"C'est un devoir de dire à Dreyer que cette fois, il s'est gravement trompé"
Tu me quittes ? Je te quitte. Ne me quittes pas. Restes! Je te quitte. Tu as quelqu'un d'autre pour me quitter? J'ai quelqu'un d'autre, je te quitte. Ne me quittes pas. Alors je te quitte. Tu me quittes parce que tu as quelqu'un d'autre ?
Mais si Gertrud quitte la personne qu'elle a (officieusement) pour retourner avec celle qu'elle avait officiellement que ce passerait-il ? Cela parait bien compliquer je vous l'accorde, mais quand ce scénario tenant en réalité sur la taille d'un posthite est "surdéveloppé" en 111 minutes croyez moi que nous avons tout le temps de comprendre, de trop comprendre même!
Si le synopsis raisonne comme un mauvais épisode d'Amour gloire et beauté sur fond d'un Jacques Brel hard-discount, il en va de soit que c'est un peu au dessus mais pas beaucoup plus. Dreyer signe ici une œuvre à l'intersection d'un mauvais Bergman et d'un Resnais creux. Les questions implicitement métaphysiques des personnages hiératiques du film ne sont pas sans rappeler les longues interrogations d'un Persona ou d'une « année dernière à Marienbad ».
Sans être aussi violent que les critiques de l'époque qui avaient qualifié le film de: raté, pitoyable ou encore de plat et banal, je dirais pour ma part, que le théâtralisation outrancière de l'œuvre arroge l'évincement de la vitalité du film. Certains, pour ne pas citer Jean de Baroncelli, voient l'extrême dépouillement et la simplification abstraite comme les ingrédients d'un modernisme poignent, moi pas. Car si être moderne c'est filmer le néant de face, la timeline vierge de chaque banc de montage domestique devrait être candidat au prix Fipresci!
Notons néanmoins le point positif du film et relativement innovent de l'œuvre: son traitement du temps. La vision du cinéaste d'un temps basé sur le subjectif et l'indécis restera chez des metteurs en scènes comme Tarkovski une source de mimétisme. Dommage que le réalisateur de Vampyr achève sa carrière sur la désormais obsolète Gertrud.