Cinq ans après son dernier film, Nanni Moretti revient donc sur nos écrans... à reculons. En choisissant de suivre l'errance d'un homme terrassé par une tâche trop lourde pour lui : pas tant un homme qui ne veut pas - après tout quand on lui demande s'il accepte d'être le nouveau pape Melville dit oui, mais un homme qui ne peut pas. Sujet éminemment troublant, mystérieux, à la limite de la représentation.

Et ce mystère, finalement, sert de fil rouge (cardinalice) à tout le film, l'emplit d'une angoisse sourde malgré les scènes de pure comédie, et perdure jusqu'à la fin. Melville ne sait pas pourquoi il ne peut pas, et le psychanalyste chargé de déterminer les raisons d'un tel blocage comprend très vite qu'il est face à une impasse. Aucune explication, même celle, toute faite, que fournit la femme du psychanalyste, ne pourrait résoudre l'horrible malédiction qui pèsent sur les hommes : quand on ne peut pas, on ne peut pas.

A partir de cette trame à la fois ironique et tragique, le film se déploie en vague nappe, comme si Moretti lui non plus n'avait plus trop la foi. Son film, à la limite, ne fait que ça : raconter qu'on ne peut plus rien raconter, si ce n'est l'absence de désir, de courage, de volonté. Plus rien à faire qu'attendre, et inventer des jeux pour passer le temps. Jouer des pièces de Tchekhov (le maitre du théâtre de la procrastination), jouer au volleyball, aux cartes, à l'homme ordinaire alors qu'on est le Pape. Jouer à faire du cinéma, ce ballet d'ombres dansantes qui conjurent la mort en attendant qu'elle vienne siffler la fin de la partie.
Chaiev
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le 13 sept. 2011

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