Here – Les plus belles années de notre vie par KiraYagami

Here est un film frustrant. Frustant car il n'est pas excellent. Frustrant car il n'est pas totalement raté. L'idée de base est incroyable, nous montrer l'histoire de quelques mètres carré de terrain sur un plan fixe allant de l'ère des dinosaures à la notre, c'était intriguant et excitant, et même si le Zemeckis récent n'a rien à voir avec le Zemeckis des années 80/90, on pouvait toujours rêver d'un retour aux affaires pour l'un des metteurs en scènes les plus iconiques de son époque.


Sauf qu'au final, il n'en fait pas grand chose de son concept. Je vais devoir faire un truc que je n'aime pas trop faire habituellement, le comparer à d'autres films, et à ce qu'il aurait pu/du être, car le problème majeur se situe ici.


L'idée de base, pour moi, invite à jouer sur le hors champ, et essayer de le rendre cinématographique, ce qui serait quelque chose de difficile à exécuter, mais une tentative fascinante à voir. Or, le film fait exactement le contraire, et plutôt que de nous montrer des moments de vie dans ce salon, va amener (parfois littéralement) la vie dans ce salon. Tout s'y passe, des morts, des enterrements, des mariages, des premières fois, et j'en passe, Zemeckis trouve toujours un moyen de forcer l'action à arriver dans son cadre, même quand ça n'a aucun sens. Et pour en revenir au hors champ, qu'il s'agisse d'enterrement ou de mariage, voir les personnages rentrer de la cérémonie aurait été plus intéressant que de voir le même type de scène qu'on a vu 1000 fois dans d'autres films, mais confiné dans ce putain de salon.


Tout n'est pas à jeter évidemment, je trouve les petites vignettes d'autres époques plutôt intéressantes, notamment celle de l'inventeur du La-Z-Boy, qui est à la fois fun et sans conséquences. Mais en ce qui concerne la famille principale qu'on suit, celle de Paul Bettany et Kelly Reilly, puis leur enfant Tom Hanks avec Robin Wright, ben encore une fois j'ai déjà vu ça des centaines de fois. C'est un film qui va s'attarder sur les moments marquants de leurs vies, moments qui comme par hasard se passent tous dans ce salon.


Le truc, c'est que le film a une perspective de boomer sur la classe moyenne américaine. Et pour une fois, je ne dis même pas ça comme une critique, ça a un côté confortable et sans enjeu, et voir ce modèle de famille américaine blanche de classe moyenne à travers les décennies, ça pourrait être un message fort. Sauf que Zemeckis essaie tellement d'être consensuel qu'il n'a rien à dire, pire, il ne se rend même pas compte qu'il n'a rien à dire et balance les pires banalités possibles (l'inclusion de la famille afro-américaine est catastrophique dans ce sens).


Là je suis obligé de comparer Here avec le travail de Linklater dans son ensemble, mais surtout sur Boyhood, qui justement nous montrait des tranches de vie sans appuyer trop fort sur la corde, et dont la simplicité et l'universalité des moments peignait au final une image honnête de son époque. A force de voir tout nous montrer, Zemeckis ne nous montre rien, rien d'intéressant en tous cas, c'est un film qui vit pour son concept et n'a aucune arrière pensée, au point où ça l'handicape fortement.


Et en dehors de son concept, Zemeckis a sans doute fait ce film pour pouvoir expérimenter à sa guise avec le de-aging. Sur Tom Hanks, l'effet est relativement crédible, quand il ne parle pas, car il a beau être un bon acteur vocal, il ne peut pas se faire passer pour un ado vocalement parlant, donc comme d'habitude, même si l'image fonctionne, l'illusion est vite brisée. Ensuite c'est plus distrayant qu'autre chose, peut-être dans un monde où Tom Hanks serait un sombre inconnu on ne passerait pas notre temps à scruter sa reproduction jeune, mais nous ne vivons pas dans ce monde. Au mieux on peut dire que l'effet est réussi, mais jamais je ne le trouve crédible puisque (et c'est peut-être un problème qui m'est propre) jamais je ne l'oublis. Quant à Robin Wright, c'est vraiment raté en ce qui la concerne.


Niveau écriture, le film est catastrophique, on peut faire un jeu à boire sur plein de trucs, l'alcoolisme de Paul Bettany, quand un personnage dis que le temps passe vite, à chaque fois que Robin Wright perd la mémoire, ou encore les parallèles lourdingues entre deux époques (le plus drôle étant celui entre la grippe et le covid).


A la musique, Silvestri en fait des caisses et ne s'arrête pas, c'est lourd putain, on sent qu'il veut nous faire chialer, mais ça ne prend pas désolé.


Je pourrais continuer à parler du film pendant un moment tellement c'est un énorme gâchis à tous les niveaux, pourtant je ne l'ai même pas détesté, c'est un film relativement compétent et agréable à suivre si on aime le boomerporn, mais c'est tellement frustrant d'avoir le réalisateur du remake de Pinocchio derrière ce film et pas celui de Roger Rabbit ou Retour vers le futur.

KiraYagami
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le 15 nov. 2024

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