Si le titre de ce film avait été non seulement dénué d'ironie, mais ce serait aussi permis d'être à rallonge, on aurait eu à la place "How to Have Sex with the Right Person and When You Really Want It".
C'est l'histoire de trois amies anglaises, entre la fin du lycée et un futur très prochain à base d'études supérieures, qui s'offrent seules, loin de toute autorité familiale, quelques jours en Grèce, dans un tourbillon qui n'est pas sans rappeler les spring break américains. Donc musique à donf, fêtes délirantes dans les piscines ou dans les boîtes de nuit, avec très peu de tissu et énormément de litres d'alcool, d'étalages d'actes sexuels mimés ou non humiliants, quelques courts moments de sommeil grappillés à l'aube ou au cours de la journée, le tout avec l'obsession de se débarrasser, avant le retour au bercail, de sa virginité... Rien de sensuel, d'érotique, de délicat. Aucun désir. Juste du sexe pour le sexe...
En fait, pour être plus exact, l'ensemble se concentre assez rapidement sur une des trois amies, Tara. On la voit vivre tout cela comme un rite de passage obligé. Néanmoins, il n'est pas difficile de discerner par des attitudes, par des gestes, par des expressions de son visage (tout sauf la parole qui ne se libère qu'à la toute fin !), qu'elle se force à entrer dans cette euphorie, qu'elle se force à croire qu'elle aime cela, alors qu'elle n'a pas envie d'être là, que c'est contre sa nature profonde. D'ailleurs, avant que l'histoire se recentre sur elle, on perçoit qu'elle est loin d'être la seule à ressentir cela. Qu'elle est présente uniquement parce que les autres le sont. Qu'elle affiche de se comporter comme les autres se comportent. Elle suffoque dans cette frénésie. Les personnes, l'entourant, peuvent lui demander si elle va bien, s'inquiéter pour elle, y compris se conduire d'une manière tendre et désintéressée à son égard, sans pourtant penser un seul instant à lui tendre la main pour la protéger ou l'éloigner, vu qu'elles sont elles-mêmes prises dans cette atmosphère...
Le point de non-retour est atteint lors d'une séquence montrant la frontière fragile entre consentement et contrainte. Oui, on parle bien de viol et du traumatisme qui s'ensuit. L'importance de cet irréversible tournant est mis en exergue par le recours à une ellipse pour enchaîner sur un flashback (le seul du récit !) revenant sur ce qui s'est passé lors de cette nuit fatidique, sans effets dramatiques appuyés, glaçante par l'apparente "banalité" de l'acte.
La réalisatrice Molly Manning Walker, dont c'est le premier long-métrage (début plus qu'encourageant et prix Un certain regard à Cannes bien mérité !), à une exception près (sur laquelle je vais revenir !), n'utilise pas sa caméra pour filmer la beauté des paysages grecs. Au contraire, elle serre au maximum la jeune femme dans des décors, intérieurs ou extérieurs, restreints, avec des traces de l'atmosphère ambiante (comme les détritus jonchant les rues qu'elle traverse !), pour traduire son étouffement physique et psychologique.
Une des deux seules fois, lors de laquelle, venant d'arriver, elle s'amuse réellement, c'est en se baignant dans la mer, profitant pleinement de la nature environnante, en compagnie de ses deux potes. Au passage, on n'évite pas le gimmick très "indy" de la musique "sensorielle" (du genre qu'on entend dans les vidéos de relaxation !), mais c'est juste un détail discordant dans un tout autrement bien maîtrisé et parfaitement interprété. La seconde fois, c'est à la fin de ce même premier jour, là encore seule avec ses deux amies, dans une boîte de nuit joyeusement colorée (contrastant avec le bleuté terne et uniforme lors des autres scènes se déroulant de ce type d'établissement !), montrant que cela ne fait pas de mal de bien se lâcher de temps en temps, quand on le veut vraiment.
Bref, sous un titre pouvant donner l'impression qu'il s'agit d'un divertissement léger sous forme de manuel pour apprendre à pécho, How to Have Sex est une réflexion sobre, juste, subtile et troublante sur la notion de consentement, sur la sexualité, sur la pression sociale.