Inferno est sans doute le film le plus beau et le plus fou de Dario Argento. Présenté officiellement comme une suite à Suspiria, puisqu’il s’agit du second volet de la trilogie des « trois mères », le film en est tout de même sensiblement différent. D’abord parce qu’Argento renonce à un scénario linéaire au profit d’une dimension onirique où les différentes séquences, on pourrait même parler d’une succession de petits films dans le film, s’enchaînent selon des associations d’idées, des objets (une clef, une lettre, un thème musical…), renvoyant à la « logique » d’un rêve. Le film apparaît ainsi comme une sorte de conte de fée pour adulte.
Il s’en distingue aussi par l’utilisation de la couleur. Les rouges et les bleus vifs de Suspiria, dus au chef opérateur Luciano Tovoli, sont peu présents et font place à des roses, du parme, des bleus plus doux qui renvoient, de l’aveu même du réalisateur et du chef opérateur Romano Albani, à la peinture préraphaélite. Argento a d’ailleurs sollicité l’aide du maître de la couleur, Mario Bava, qui a été présent pendant presque tout le tournage et a même réalisé certains effets spéciaux, notamment la sortie de la mort du miroir à la fin du film.
Enfin, la musique tient une place fondamentale dans les enchaînements, notamment le sublime chœur du Nabucco de Verdi sur lequel sont construites deux des plus belles séquences du film. Argento a d’ailleurs très bien perçu la dimension de folie présente dans la musique de Verdi.
Film démesuré (il a d’ailleurs bénéficié d’un budget considérable suite au succès international de Suspiria), inclassable, déroutant, plastiquement superbe, Inferno est incontestablement un chef d’œuvre.