Jackie est un film sur la dualité.
Duel entre mythe et réalité, entre être et paraître, entre femme bafouée et femme choyée, entre chagrin et culpabilité. Ce sont tous ces paradoxes qui sont explorés de manière assez réussie, à mon goût, à travers l’entrelacement de trois fils temporels, dont la colonne vertébrale est une interview donnée par Jackie Kennedy une semaine après l’assassinat brutal de son mari.
La force de ce biopic, qui explique la faiblesse de tant d’autres, c’est de se focaliser sur une semaine de la vie de Mme Kennedy, tout en capturant avec ces quelques jours, toute sa personnalité et ce qu’elle a représenté pour le peuple américain. La seule exception à cette règle est l’insertion (une des temporalités explorée) de la visite guidée (et télévisée) de la Maison Blanche organisée par Jackie en 1962.
Cette dernière permet de mettre en exergue non seulement l’icône Jackie Kennedy pré-assassinat, toujours en représentation, mais également et surtout sa volonté de faire des Etats-Unis un peuple d’Histoire. Elle est obsédée par l’héritage et notamment celui que son mari va laisser dans le patrimoine américain.
Cette volonté de marquer l’Histoire va orienter toutes les décisions qu’elle va prendre à la suite des événements tragiques du 22 novembre 1963. Comment faire pour que personne n’oublie JFK et pour qu’on parle encore de lui des décennies plus tard, alors que tous ses projets ambitieux n’ont pas eu le temps de voir le jour (notamment la loi sur les droits civiques) ? Comment faire perdurer le mythe quand le réel n’est plus et n’a même jamais été à la hauteur de sa légende ?
Le film s’attarde alors sur tout le processus de deuil et de réflexion de Jackie. On est immergé dans son angoisse, ses doutes, ses choix, toujours sur un fil tendu qui manque de lâcher et de laisser éclater la rage intérieure de cette femme qui a tout perdu. On notera d’ailleurs l’utilisation (excessive) d’une musique assez stridente, symbolique de cette tempête intérieure.
« Je n’ai pas de maison » dit-elle au journaliste. Jackie qui brillait aux côtés de JFK n’a plus son statut de First Lady. Que reste-t-il désormais du couple star ? Et s’il se détachait finalement l’idée que dans cette détermination de donner le meilleur enterrement possible à son mari se trouve aussi son propre besoin à elle d’atteindre un statut d’icône de la patrie ? Ou s’arrête l’hommage et où commence la vanité ?
Une des limites du film pourrait être la nécessité de posséder un minimum de connaissances de l’Histoire américaine post-WWII, et en particulier sur les Kennedy. Il n’y a pas vraiment de rappel sur le contexte de l’époque, ce qui semble manquer (d’après certains échos que j’ai pu entendre) pour pouvoir appréhender au mieux les enjeux proposés ici.
Toutefois le film explore avec talent les méandres d’une tragédie dont les images sont elles-mêmes devenues mythiques. Reste alors à savoir si JFK serait aujourd’hui ce qu’il est s’il n’avait pas épousé Jacqueline Bouvier, à laquelle Nathalie Portman a su prêter ses traits non sans un certain talent par ailleurs.