Ce film de Ken Loach (2014) s'inscrit dans une période historique postérieure à celle racontée dans "Le vent se lève" (2006). Ce dernier évoquait la période qui conduisit l'Irlande à devenir indépendante mais sous la forme d'un "dominion" rejeté par une partie de la population engendrant une meurtrière guerre civile pendant deux ans. Pour faire simple, ce furent les grands propriétaires et l'Église catholique irlandaise qui emportèrent la mise à l'issue des affrontements poussant à l'exil certains opposants républicains.
Le film "Jimmy's Hall" raconte l'histoire du personnage historique Jimmy Gralton au moment où il revient en Irlande, en 1932, après un long séjour aux USA, à la faveur du nouveau gouvernement de l'Irlande conduit par Valera, opposant républicain. Avant son exil, il gérait une salle de danse qui était aussi une maison de rencontres des opposants républicains. Le retour de Jimmy est l'occasion de remettre en état ce bâtiment à la fureur des grands propriétaires locaux et de l'Église qui y voient l'installation d'un "soviet" communiste.
Le film est surtout l'évocation de la rencontre frontale entre le curé de la paroisse, bouffi de haine face à ce trublion qui détourne le bon peuple de la vraie foi et de l'obéissance en l'entrainant sur des chemins de perdition voire même communistes.
Des scènes (presque jouissives pour le vieil anticlérical que je suis) le montre en chaire vilipender les paroissiens impies qui osent aller s'amuser et passer du bon temps dans cette salle de danse qui parait bien inoffensive et bien sympathique. Et surtout oser danser sur cette musique de sauvages importée des Etats-Unis qu'on appelle, il parait, le jazz. Pensez-donc, une "musique issue de l'Afrique la plus noire". Il ira même jusqu'à lire la liste de ces mauvais paroissiens du haut de sa chaire avec son doigt vengeur et sa voix outrée.
Spoiler : un bon père de famille, particulièrement réactionnaire et bien-pensant (au sens du Larousse) visé en public par l'inconduite de sa fille sortira de l'Église en la trainant de force. De retour à la maison, il se saisira d'une cravache pour punir l'effrontée. En ce temps-là, on savait (quand même) ramener les brebis égarées dans le droit chemin. Tudieu ! Sauf que, dans le cas de la petite, le mal risque fort d'être incurable …
Heureusement, un jeune prêtre semble outré par les mœurs du curé de la paroisse un peu barbares, n'hésite pas à considérer ces actes comme "dignes du Ku Klux Klan". Pas impossible que Loach en mettant en scène ce curé dans le film, préfigure un avenir de l'Irlande un peu plus social …
D'un point de vue musical, on n'échappe pas à de magnifiques ballades irlandaises (pas assez nombreuses, pour mon goût) et à d'agréables petits morceaux de jazz pleins de swing.
Pour finir, c'est un film que je qualifierai d'intéressant et instructif. Même si la réalité du personnage de Jimmy est peut-être un peu plus radicale et un peu moins consensuelle que celle que nous sert Ken Loach.
Ce n'est pas grave, en définitive, ce qui est intéressant, là, c'est le symbole d'un pays qui se construit dans la douleur.