Visiblement, Todd Phillips ne voulait pas réaliser une suite à son énorme succès au box office, Joker. Mais, peut-être contraint par un contrat ou pressé par les producteurs ou parce que Joaquin Phoenix souhaitait rempiler ou contre la promesse d'un chèque bien généreux ou tout ça à la fois, il s'est exécuté. Et c'est une exécution pure et simple de tout l'héritage du premier film. En toute connaissance de cause, volontairement, le cinéaste a désavoué son œuvre à travers un sabotage.


Joker avait un fort côté anar, il faut bien le dire, assez jouissif, voire cathartique, comme seule peut le permettre la fiction. Folie à deux va à l'encontre de tout cela. Et ceci, notamment, à travers des séquences de procès (pompant un énorme morceau de la durée totale !) lors desquelles tout est fait pour détruire le protagoniste, lui retirer toute raison d'être, tout sens à sa révolte. Voilà, ça, c'est fait...


Et la fin achève bien d'enfoncer le clou. Oui, visiblement, Phillips ne voulait vraiment pas qu'on risque de lui demander un troisième volet. Le gars, il en a marre. Il en a marre.

À propos de ces mêmes séquences de procès, elles ne servent à rien (comme tout le reste en fait, mais je vais y revenir !). Elles ne font que redire de nombreux éléments du premier film. C'est exclusivement ça, un rappel du contenu du premier film. Oui, tout ce que l'on savait déjà. Parce que je pars du principe qu'au moins 99 % des spectateurs, qui ont visionné ou qui vont visionner cette suite, ont regardé auparavant le précédent long-métrage.


Ne servent à rien, non plus, les séquences musicales. Oui, ces dernières mettent en évidence que le personnage principal se fait des films dans sa tête... Euh, ouais, mais ça aussi, on le savait déjà, bordel. En outre, ces scènes sont d'une platitude extrême. Pas de chorégraphies, pas de montage un tant soit peu virtuose, par de mouvements de caméra, pas de danseurs, pas de chœur, ça se résume à des plans statiques sur soit Joaquin Phoenix, soit Lady Gaga, soit les deux ensemble, en train de chanter. Alors que le genre de la comédie musicale se prête très bien aux plus grands délires, aux plus grandes extravagances ; ce qui aurait collé parfaitement avec Joker.


Tiens, Lady Gaga justement ? Elle ne sert à rien non plus (décidément !). Le titre, ce n'est pas Folie à deux ? C'est de la publicité mensongère, ça. Elle est censée être Harley Quinn, mais à aucun moment, je n'ai assisté à la moindre fusion (ce qu'annonçait le titre, je le rappelle !), sentimentale ou psychologique, entre elle et notre criminel. En fait, durant une bonne partie du film, Lady Gaga se contente d'être figurante dans les séquences de procès (au passage, il n'y a aucun personnage secondaire un minimum mémorable !). C'est tout. Pourquoi l'avoir choisie ? Sûrement et seulement pour ses compétences de chanteuse pour les moments musicaux. Mais côté acting, le scénario n'a absolument rien à lui offrir.


Le cartoon introductif, style Looney Tunes, veut nous mettre le doute quant à une possible double personnalité du personnage principal. Ce qui ne sert à rien (oui, encore !). On sait déjà que Joker est pleinement conscient de ses actes. Pourquoi s'emmerder avec ce sujet aussi, bordel.


Joker, tout court, avait coûté maximum 70 millions de dollars. Pour un film, avec, dans le rôle-titre, une star de premier plan, dans un New York qu'il a fallu modifier pour lui donner son aspect du début des années 1980, avec deux scènes d'action assez conséquences (le lynchage dans le métro et les émeutes à la fin !), sans parler de très nombreuses séquences en extérieur, on voyait où chaque dollar était utilisé. Dans Folie à deux, à part une petite exception et n'ayant pas du tout l'ampleur des deux séquences de ce type susmentionnées, il n'y a pas d'action, les scènes en extérieur sont plutôt rares, la grande majorité de l'intrigue se déroule soit dans un asile, soit dans un tribunal, avec des décors réutilisés plusieurs fois. Donc, autant dire que ce n'est pas aussi imposant en termes de mise en scène que le premier volet. Pourtant, cette suite a un budget de 200 millions de dollars, 200 putains de millions de dollars... Sérieusement, j'aimerais bien savoir où est passée toute cette somme.


Artistiquement, quelle est la grande raison d'être de cette merde ? Cracher sur la gueule de celles et ceux qui ont aimé le premier film ? Bravo, c'est réussi, mais, par contre, je doute que ce soit apprécié de leur part. Satisfaire celles et ceux qui n'ont pas aimé le premier film ? Ce ne serait pas trop s'avancer que d'émettre l'hypothèse que la plupart d'entre eux ne vont pas s'emmerder à voir la suite d'un film qu'ils ont détesté. Non, en fait, c'est uniquement Todd Phillips qui déteste sa réussite précédente et qui fait tout pour la détruire par l'intermédiaire de l'étron critiqué ici.


Eh ben, en réponse à ça, voilà ce que je vais faire, je vais tirer la chasse sur cet étron, en désinfectant bien ensuite. Après, je vais me dire que Joker, sorti en 2019, est un one shot, se suffisant largement en lui-même.


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