Avec Julieta, Pedro Almodóvar délaisse totalement l’exubérance pour s’engager dans un récit plus sobre, empreinte de mélancolie et d’une élégance dépouillée. Inspiré par les nouvelles d’Alice Munro, le film devient une méditation sur la mémoire, la culpabilité, et ce lien viscéral qui unit une mère à son enfant, au cœur d’une quête almodovarienne du féminin.
Exit les éclats carnavalesques et la vivacité criarde : ici, chaque geste, chaque plan, respire la retenue. Pourtant, la mise en scène reste d’une intensité viscérale, où chaque détail visuel, chaque couleur, participe à la réflexion.
Almodóvar, maître du langage chromatique, réinvente sa palette : le rouge, jadis éclatant, se mue en une douleur contenue et en passion étouffée ; le bleu, profond et glaçant, devient le spectre de l’isolement et du manque. Entre ces teintes, des pastels adoucissent le cadre, traduisant la nostalgie d’un bonheur fragile.
Le film resserre son cadre, épousant l’intériorité de ses personnages. Les visages, les objets du quotidien, les espaces clos, deviennent autant de miroirs d’âmes tourmentées. Dans ce minimalisme, Almodóvar capte l’essentiel : la faille, le silence, le poids de l’absence.
Emma Suárez et Adriana Ugarte incarnent Julieta avec une intensité qui transcende l’écran, donnant corps à cette femme à la fois forte et fracturée. Leurs performances, d’une délicatesse rare, tissent un portrait à multiples facettes, où chaque regard, chaque hésitation, éclaire les méandres d’une vie marquée par l’amour et la perte.
Avec Julieta, Almodóvar ne cherche pas l’éclat, mais la profondeur. Il transforme le minimalisme en puissance émotionnelle, réaffirmant son art de raconter l’intime avec une beauté presque douloureuse, où chaque image semble chuchoter un secret universel.