Six ans ! Six ans déjà que William Friedkin n'avait pas signé de nouveau film, et avouons-le : il nous manquait. Et si nous ne nous en étions pas forcément rendu compte, « Killer Joe » est là pour nous le rappeler, et de quelle manière ! Au milieu d'un univers cinématographique devenu trop souvent fade, consensuel, moral, le réalisateur de « French Connection » vient mettre un grand coup de pied au cul à l'Amérique bien-pensante et puritaine, autant dire que ça fait du bien. Après, il est évident que cela ne plaira pas à tout le monde : l'œuvre est traversée d'une poignée de scènes incroyablement violentes, et nul doute que ceux ayant foi en la nature humaine risquent d'être bouleversés durablement. Les spectateurs ayant le cœur bien accroché devraient en revanche se réjouir devant ce torrent de cynisme, cet humour ultra-noir et cette vision apocalyptique de la famille, composée par un hallucinant quatuor de personnages. C'est simple : il n'y en a pas un à sauver chez cette bande de dégénérés tous plus cons et méchants les uns que les autres, passant leurs temps à s'envoyer des répliques meurtrières... Si bien que ce qui aurait pu donner un film noir fort classique devient très rapidement une expérience cinématographique à part, piètre publicité pour le Texas profond dont on ne ressort pas indemne, remarquablement mis en scène et interprété avec brio, la somptueuse Gina Gershon et Matthew McConaughey en tête : du grand art, qui trouve son apothéose dans un dénouement que vous n'êtes pas près d'oublier...