Après The Irishman, Martin Scorsese revient avec un chef d’oeuvre, Killers of the Flower Moon, présenté à Cannes en hors compétition en mai dernier. Fresque historique magistrale se basant sur les écrits de David Grann sur les meurtres des amérindiens en 1920 dans l’Oklahoma , ce film à la mise en scène impeccable est un modèle de cohérence. Bien qu’il soit un des films les moins “choquants” (les morts/cadavres et tueries ne sont presque pas montrés) de la filmographie du réalisateur, il n’en est pas moins d’une violence sans précédent et glaçant ; à l’image de son sujet résumé dans ce titre d’une sombre élégance. Bien que les studios préfèrent les films calibrés de 2h (poussant à un financement par Apple), Scorsese fait le choix d’imposer son rythme, avec un film fleuve, qui nous fait nous enfoncer dans la cruauté : au travers du scénario centré sur les meurtriers, le réalisateur dépeint la chute programmée d’une culture : il montre, au travers du personnage machiavélique de William Hales (De Niro en baron local sectaire nommé d’ailleurs “The King”), comment il est possible de vampiriser une société (en référence aux les gisements de pétrole) et de l’empoisonner : la métaphore filée tout au long du film avec le personnage de Mollie (Lily Gladstone, merveilleuse) est une vraie prouesse de cinéma. Si DiCaprio interprète un personnage benêt obéissant à son oncle, c’est car l’œuvre est aussi une réflexion sur la manipulation insidieuse (cf. Midsommar), l’embrigadement lent et propose un niveau de lecture métacinématographique (cf. la scène finale du film, un cadeau au 7e art). Scorsese montre que l’Homme peut être à l’origine de sa propre destruction, sans même le savoir : la chute des amérindiens, c’est la chute d’une culture, mais cela peut aussi être symboliquement la possible chute de l’art au profit de l’industrie. En somme, Killers of the Flower Moon, est d’ores et déjà un classique du cinéma, avec un grand C : merci Martin.