L'amour louf
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le 19 oct. 2024
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Allez... On va commencer par lui reconnaître ses quelques mérites à cet Amour ouf. On va notamment commencer par lui reconnaître ce que tout le monde lui reconnaît en général. Oui, Gilles Lellouche s'efforce ici de mettre les petits plats dans les grands : il nous ramène tout le gratin du cinéma français dans sa distribution, il nous a sorti la meilleure playlist de son compte Spotify, il tente un paquet de trucs à chaque plan, s'essaye d'être le plus formaliste possible, de produire des jolis plans : tout ça, oui, je veux bien le reconnaître. Je comprends même que cet élan de générosité ait pu emporter des gens. Vraiment.
Seulement voilà, l'Amour ouf, ce sont certes quelques mérites, mais c'est aussi de bonnes grosses tares. Et si malheureusement, on y est sensible comme moi je peux l'être, alors on ne va pas se mentir, ça rend la pilule difficile à avaler. Très difficile même.
Parce que bon, à bien tout considérer, elle est mise au service de quoi toute cette débauche de moyens et d'énergie ? Elle est mise au service d'une histoire d'amour des plus classiques, pour ne pas dire des plus basiques.
C'est d'un côté la fille à papa bien sage et de l'autre côté le bad boy au grand cœur. Ils se sont aimés dès le premier regard, puis leur amour n'a jamais failli. Et... Et c'est tout en fait. Or ça, désolé, mais c'est déjà un premier écueil. Parce qu'on a affaire à un film de 2h40 (tout de même) et jamais vraiment cet Amour ouf ne sortira de ce schéma narratif plus qu'archétypal. Jamais vraiment de nuance ou de questionnement sur cette relation. Non, on s'en tient strictement au cliché ultime de ce fantasme adolescent de la relation passionnelle qui ne s'explique pas, ne s'alimente pas mais qui, pourtant, ne se tarit pas. Et donc, tout du long, le film s'en tiendra à ce seul principe : éloignés ils seront malheureux, mais réunis ils seront heureux à nouveau. Autant dire qu'en termes de fond et de propos, nous, spectateurs, allons devoir se contenter de très peu.
D'ailleurs, niveau écriture des dialogues, il ne faudra guère s'attendre à mieux : le film passe son temps à enchaîner les clichés à tour de bras, les phrases toutes faites, les dictons de fortune cookie, et le mieux qu'on puisse espérer en termes de subtilité, c'est que les personnages en vienne à anticiper les clichés énoncés par les autres protagonistes, instaurant ainsi une forme d'ironie. Ça on dit quand même long sur le niveau de profondeur et d'ambition de ce film.
Malgré tout, on pourrait toujours me rétorquer que reste cette forme généreuse ; cette énergie que Gilles Lellouche s'est évertuée d'insuffler dans tout son film et puisque après tout – pour reprendre les plus grands classiques – « la forme c'est du fond qui ressurgit à la surface » et que « tout a déjà été raconté », est-ce qu'on ne tape pas un peu à côté en reprochant à cet Amour ouf son écriture et son propos sommaire ?
En vrai, il y aurait clairement pu avoir discussion à ce sujet si les efforts formalistes consentis ne relevaient pas d'un patchwork totalement destructuré.
Car si on s'attarde un instant sur l'état d'esprit qui anime chaque choix formel, on se rendra compte qu'il tient essentiellement à l'idée d'accumuler des éléments formels qui sont fondamentalement plaisants pour eux-mêmes.
L'une des composantes les plus éloquentes à ce sujet-là est la bande son. On y retrouve du Cure, de l'Alan Parsons Project, du Billy Idol, de l'Alphaville... Tout ça est très bien en soi et refile la banane. Mais justement, ça refile la banane indépendamment du support auquel on l'associe, en fait. Et au fond, c'est un peu la même chose avec sa collection de jolis paysages, de sa photographie orange et bleue, de ses travellings à tout va, de ses emprunts aux B.O. de films de Carpenter, voire même à ses acteurs. Tous ces éléments là sont déjà plaisants par eux-mêmes. Ils existent au-delà – et j'aurais presque envie de dire malgré – le film.
En fait, cet Amour ouf ne fait que se construire sur cette logique permanente de l'emprunt. Telle scène pourra effectivement se révéler plaisante de bout en bout, mais à bien y regarder, elle ne devra surtout sa réussite qu'au fait qu'on aura adoré la ou les musiques entendues, parce qu'on aura trouvé le lieu de tournage trop beau, la lumière chaleureuse et la performance physique des cascadeurs et / ou danseurs et / ou acteurs époustouflante, etc.
En fait l'Amour ouf n'est qu'un film compilatoire ; un film qui a les moyens de se payer de quoi plaire et qui va nous distraire grâce à ça. Et pour moi, c'est clairement à ça que se réduit ce film : à de la distraction. Et attention, pour moi la distraction n'est pas un mal en soi hein ! Mais par contre j'avoue que ça me pose un souci quand c'est là pour distraire mon attention de l'essentiel. Et l'essentiel dans ce film, c'est qu'il n'a désespérément rien à dire, rien à créer, rien à raconter.
Et encore une fois, retenons ça : 2h40.
Deux heures et putain de quarante minutes à se bouffer cliché sur cliché. Chaque scène n'est là que pour brasser des évidences, répéter ce qui a déjà été dit, mettre en image ce à quoi on s'attend déjà. En ce qui me concerne, ce genre de démarche finit par user ma patience. Parce qu'au début, j'ai voulu faire des efforts d'abstraction, me raccrocher aux belles images de ma belle région, aux prestations méritantes des jeunes acteurs mobilisés, à la playlist pas dégueu que les grosses thunasses de Gilles Lellouche ont pu payer. Mais à la longue, ça devient insupportable. Chaque nouveau cliché rajouté sur le tapis vient malmener une balance déjà bien chargée d'un unique côté, et chaque nouvel acteur qui fait sa rentrée dans l'intrigue ne fait qu'accentuer cette impression de surcharge au service de la politique systématique du choix bankable ; une politique d'ailleurs d'autant plus discutable quand on considère la multitude de rôles à contre-emplois qui ne fonctionnent pas et renforcent l'artificialité de l'édifice.
Entre d'un côté un Vincent Lacoste et un Jean-Pascal Zadi dont les talents sont clairement contraints par des rôles indigents, et de l'autre un François Civil et surtout une Adèle Exarchopoulos qui ne savent absolument pas adapter leur jeu à leur personnage respectif (en même temps, Adèle Exarchopoulos est-elle seulement capable de jouer autre chose que ce qu'elle a toujours joué ?), on dépasse très vite les limites d'un tel exercice. On la dépasse même clairement jusqu'à l'outrance.
Mais bon... Comment déjà dit plus haut dans cette critique, je saurais comprendre que certaines et certains dépasseront ça et se laisseront séduire par le côté très généreux de cet Amour ouf. Seulement voilà, qu'on se le tienne donc aussi pour dit : on peut aussi très bien le trouver balourd ce film, ultra-insistant, et surtout bien long et répétitif pour le peu qu'il a à dire.
Aux premiers le plaisir de la compilation généreuse, aux seconds la torture d'un spectacle interminable et décousu.
Il n'appartiendra dès lors qu'à vous de savoir dans laquelle de ces deux catégories vous vous retrouverez. Mais moi, en tout cas, j'estime qu'au sujet de ce film patapouf, vous aurez été prévenus. ;-)
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il y a 1 jour
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