L'Avventura par Nicolas Montagne
Michelangelo Antonioni, grand maître du rien au cinéma, n'a jamais trouvé autant matière à s'exprimer que dans L'Avventura. Premier volet d'une trilogie sur l'incommunicabilité, il illustre particulièrement bien les pensées de l'auteur en terme de rapport à l'autre. Facile à effacer d'un moment à l'autre dans un monde en perte de sens et de repère, cet Autre est à tenir à distance pour éviter les frivolités auxquelles se retrouve confrontée Claudia.
En terme de scénario, L'Avventura pourrait paraître comme une aberration filmique puisque le récit est brutalement interrompu en plein milieu du film, amputé d'une de ses parties les plus importantes (le personnage principal tout simplement) pour finalement ne jamais redevenir comme avant. Dans un montage anniversaire, le film montrait Sandro regardant au bas d'une falaise, apercevant le corps écrasé de la pauvresse,mais n'en parlant à personne, continuant de feindre la pure disparition. Tourné la même année que Psychose, empruntant la même scission du film en deux parties, on ne retrouve ici pas de résolution du conflit comme dans le film d'Hitchcock.
Tout semble se faire en vain, l'enquête n'en est pas une, les personnages se comportent comme des enfants gâtés et ne se préoccupe pas de la vie de leur amie. Antonioni critique ici une bourgeoisie désoeuvrée et éhontée qui ne se sert pas de la plénitude qu'elle a a portée de main, dans un monde sans repère...Monica Vitti est absolument splendide dans son rôle de femme trahie mais volontaire, en permanence anonyme dans les paysages larges et désertiques d'Antonioni, qui décidément filme les plans d'ensemble comme personne.