La mort de l’enfance est un sujet bien connu du cinéma, et de l’art en général. Elle se fait très souvent dans la douleur, écrasée par la réalité du monde adulte. L’Enfant Miroir nous raconte une de ces morts, celle d’un enfant de 8 ans, Seth, dans les Grandes Pleine américaines des années 50. Le monde de Seth est surréaliste et son imaginaire est très gothique. Ce qu’il ne comprend pas, il l’invente et ses convictions enfantines deviennent ses vérités (la voisine vampirique qui absorbe la jeunesse de ses victimes, l'ange réincarné,...). Il faut avouer que le monde qui l’entoure est bien laid et ce qui reste d’innocence devient morbide. Le film aborde des sujets divers qui tracent un portrait grossier des malheurs de ces prairies isolées et leurs sombres secrets : deuil, homosexualité, suicide, meurtre d’enfants, traumas de guerre,... Tout se passe dans la lumière du jour, ce qui fait rayonner encore plus la noirceur de l’être humain. L’enfance périt au soleil couchant et le film s’achève sur une séquence sublime, un cri bouleversant, qui nous laisse le cœur serré et les yeux éblouis.
Film étonnant et captivant de bout en bout, The Reflecting Skin est une belle représentation de l'american gothic dans le contraste des champs baignés de soleil doré, genre de Malick qui rencontre Lynch dans les yeux d'un enfant, tout cela dans la dépression la plus totale. Un onirisme glauque qui reflète une certaine réalité déformée par le prisme de l'innocence. Une succession de tableaux superbes qui flirtent avec l’horreur et le fantastique sans en être vraiment. On y retrouve ainsi des séquences marquantes qui resteront gravées dans nos rétines hyperpolarisées. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise d’apprendre le polymorphisme artistique du cinéaste britannique Philip Ridley : peintre, auteur, poète, musicien, photographe… qui a écrit et dirigé le film avec talent. Ses inspirations visuelles de la peinture américaine d’Andrew Wyeth et de Edward Hopper sont subjuguantes.
L’Enfant Miroir est un conte étrange et un film sensitif enveloppé dans une atmosphère mystérieuse et recouvert d’un voile surréaliste qui restera dans les mémoires. Il trouve d’ailleurs une belle place dans la riche collection du très intéressant documentaire Woodlands Dark and Days Bewitched: A History of Folk Horror que je recommande chaleureusement. The Reflecting Skin mérite clairement son statut de film culte malgré sa forte méconnaissance et il serait bien dommage de ne pas le découvrir.
It's all so horrible, isn't it? The nightmare of childhood.
And it only gets worse…