William Friedkin est un cinéaste qui aime s'attaquer à des sujets polémique. S'il était un cinéaste qui devait un jour s'attacher à adapter le genre d'histoire que propose ce Rules Of Engagement, devenant "L'Enfer Du Devoir" en France... comme s'il devait y avoir corrélation entre les deux thématiques, c'est bien l'auteur de French Connection.
En baroudeur totalement en dehors de toute notion moraliste il traite ses sujets toujours avec le même soin, prêt à mettre les mains dans le cambouis et s'attirer les foudres de la sphère bien-pensante, surtout française...
Voilà le genre d'insanités que l'on pouvait lire à l'époque de la part des deux "penseurs" idéologues de la sphère hexagonale :
- Télérama : "Entre une foule de fanatiques genre basanés et un soldat d'une dignité exemplaire (noir de surcroît : c'est Samuel L. Jackson), y a pas photo."
- Les Inrocks : "L’abjection ordinaire du cinéma propagandiste hollywoodien."
Fermons rapidement la parenthèse. Sur quoi ces donneurs de leçon à l'idéologie ayant fait ses preuves... hum..., passons, se basent-t-ils pour ainsi dézinguer le travail d'un cinéaste comme William Friedkin ? Sur quelle échelle déontologique ? La même qui fait la chasse à un Emir Kusturica ayant osé prendre position envers l'un plutôt que l'autre, déjà...
J'arrêterai là sur ce constat glaçant de l'état de la critique de la pensée unique, ça n'a aucun intérêt, pourtant ils ont un poids énorme dans ce qu'il est permis de dire ou de montrer aujourd'hui, plus que jamais. C'est navrant.
Alors revenons au film, effectivement Friedkin s'attache à un sujet difficile si l'on met en avant la troublante ambivalence morale. Le souci c'est que la morale, et bien le vieux Bill il s'en tamponne éperdument le coquillard. L'Exorciste montre le mal prenant forme dans ce qu'il y a de plus innocent et fait grincer les dents aux idéologues du culte religieux. Cruising traite du sujet du monde homo-sexuel dans lequel un tueur en série sévit, encore un sujet qu'il faut (selon l'échelle idéologique courante) prendre avec des pincettes. Sorcerer, film monstrueux qui traite encore du mal qui s'immisce dans la chair, un banquier véreux, un terroriste du Hamas, un gangster, et un ancien nazi s'embarque dans le ventre de la bête à bord de leur monstre mécanique, qui oserait aujourd'hui mettre en avant ce genre de personnages ? Il faut comprendre une chose, c'est que William Friedkin n'éprouve aucune empathie particulière pour ses personnages, il montre des gens cherchant en permanence à échapper à leurs propres démons. Des actes, des pensées, des attitudes, des modes de vie, chaque personnage dépend de ce à quoi il tente de s'extraire.
Forcément le sujet traité dans Rules Of Engagment ne pouvait que s'attirer les foudres de la pensée moraliste. Effectivement la question est de savoir où se trouve la frontière entre l'acte en lui-même et sa portée sur l'ordre moral ? Le sujet du militaire qui commet l'irréparable au moment où il doit prendre une décision capitale face à l'adversité la plus féroce qui soit peut prêter à controverse. Mais là n'est pas l'intérêt d'une œuvre de Friedkin, il laisse ça aux grands théoriciens moralistes des différentes décennies où il aura sévit.
Pour revenir au film lui-même, on peut lui reprocher son côté un peu trop axé sur sa trajectoire narrative, il s'attache un peu trop à suivre une sorte de continuum menant forcément à une issue laissant des interrogations dont chacun appréciera sa propre conclusion.
Les interprètes, et particulièrement les deux principaux, Tommy Lee Jones et Samuel L. Jackson, deux des meilleurs acteurs américains, sont d'une justesse remarquable dans leur jeu.
En conclusion, il ne s'agit pas du meilleur Friedkin, loin s'en faut, mais malgré tout on a ce sentiment que l'on se trouve dans son univers fait d'incertitudes où des personnages hantés par des démons, les leurs ou d'autres venus d'ailleurs, se débattent tant bien que mal dans un monde qui tente de les avaler.