Les beaux esprits y verraient une transposition de la pièce de Marivaux (1688-1763), « Les jeux de l’amour et du hasard » (1730) chez des jeunes de banlieue (dépendance de sa condition sociale où il n’y a pas de hasard) et un nouveau (?) regard sur les cités. D’où les 3 Césars obtenus en 2005 : meilleur film, meilleure réalisation et meilleur scénario. Les autres y verront des adolescents bas de plafond (surtout Fathi, le meilleur ami de Krimo), alignant de façon grossière (« pute », « putain », « nique ta mère ») et vulgaire, 300 mots de vocabulaire (« stylé », « mortel », « grave », « bâtard »), sans articuler, très rapidement et de façon inaudible (un sous-titrage dans la langue de Molière serait, parfois, nécessaire), en criant, en s’insultant et répétant en boucle leurs faibles arguments. Soit c’est la reproduction exacte de la vérité (dans un cinéma naturaliste), et c’est inquiétant quant à leur avenir, soit, c’est une caricature, un cliché (façon « Les inconnus », « Et Manu, tu descends ? »), et c’est grave. Outre la longueur (le film dure 117 mn), la scène de l’arrestation (avec des policiers odieux, grossiers et abusant de leur pouvoir) arrive comme un cheveu sur la soupe, d’autant qu’elle n’exerce aucune influence sur la suite du film. Seule reste l’interprétation des jeunes (jouent-ils vraiment ?) (Sara Forestier a obtenu le 4e César du film comme meilleur jeune espoir féminin) et leur représentation qui ne serait plus la même en 2024 avec évocation du trafic de drogues, de la violence et de l’influence de la religion, notamment sur les femmes. Les films, certes postérieurs, de Ladj Ly, « Les misérables » (2019) et « Bâtiment 5 » (2023) sont tout aussi réalistes et infiniment plus passionnants. Enfin, tous ces éléments empêchent de s’intéresser à l’histoire (l’émoi amoureux d’un adolescent taiseux), sans oublier les mauvais raccords de lumière de certaines scènes (vraisemblablement dus aux multiples prises).