"Quand vous voulez donner votre argent à ceux qui en ont besoin, on vous prend pour un fou." Rempli à ras-bord de bonté et de générosité, ce film de Frank Capra est à l'image de son personnage principal (très bon Gary Cooper) : instantanément adorable. On connaît évidemment la tendance de Capra pour les belles histoires qui nous font soupirer de bonheur (La Vie est belle), mais une fois encore, le charme opère, grâce à cette foi en la supériorité de l'amitié et l'amour sur la haine et l'avarice à laquelle on a envie de croire, rien que deux petites heures. Voici donc Mr. Deeds, celui qu'on appellerait familièrement "un bon gars" (un homme droit, honnête et pas prétentieux pour deux sous) qui découvre un jour qu'il est l'héritier d'une grosse fortune, dont il ne sait que faire. Être riche comme Crésus, manger en bonne compagnie et piétiner le bas-peuple, cela n'intéresse pas ce poète malheureux en-dehors de sa petite bourgade où tout le monde vous accueille à bras ouverts, surtout que l'argent attire les vautours et les colporteurs de ragots qui font les Unes du lendemain. Sans s'en rendre compte, le jeune homme qui aimerait juste jouer du tuba et donner sa fortune à qui en aura besoin tombe sous le charme de la jeune journaliste qui est secrètement missionnée pour faire des articles acerbes à son sujet. On a pitié de ce Mr. Deeds bien vite, on aime voir les petites choses qui l'étonnent dans la vie de riche (il refuse que le valet s'agenouille devant lui, il teste l'écho de sa propre villa) et l'on ne comprend pas, en même temps que lui, le regard plein de jalousie et de méchanceté gratuite des opulents qu'il croise (les poètes au restaurant qui le dénigrent car il vient d'un petit village, on le moque quand il propose son aide en tant que pompier volontaire ou lorsqu'il offre un repas chaud à un mendiant qui voulait le tuer juste avant...). Le film se termine par un procès plutôt copieux, mais qui n'ennuie jamais, et qui amuse même dans la contre-attaque ironique de Mr. Deeds. La résolution ressemble méchamment à celle de La Vie est belle, avec cette même morale : si vous êtes bon avec autrui, on vous le rendra bien. Mais on succombe encore à cette douce naïveté (si seulement c'était une vérité universelle...). Le final nous arrachera encore un dernier sourire tendre, prévisible, mais loin d'être désagréable. Frank Capra est décidément doué pour nous faire aimer les personnages les plus simples, humains, et généreux, L'Extravagant Mr. Deeds se dégustant comme un joli conte moderne bourré de charme.