1974, c'est le premier long-métrage de Tavernier mais, d'un point de vue politique, c'est la sortie du Gaullisme et d'un point de vue économique, c'est le premier choc pétrolier (suite à la guerre du Kippour en 1973).
Ces infos sont utiles pour situer certains propos amers tenus par Jacques Denis dans le film et l'ambiance générale désenchantée du film.
Ceci étant dit, ceci n'apporte aucune information sur l'histoire racontée dans "L'horloger de Saint-Paul" car celle-ci transcende en fait le contexte. On voudrait bien se raccrocher à quelque chose de factuel mais non, l'histoire raconte juste la relation d'un père et de son fils et ça n'a pas beaucoup de rapport avec le contexte.
Le père, Michel Descombes, veuf depuis de très longues années, vit sa petite vie peinarde dans le quartier Saint-Paul à Lyon avec son boulot d'horloger et ses petites bouffes sympas dans les bouchons lyonnais avec ses amis. Jusqu'au jour, où la police lui apprend que son fils a tué un vigile dans une usine et qu'il est en cavale. En bref, la police lui apprend qu'il ne sait rien de son fils.
C'est même le commissaire chargé de l'enquête qui va le pousser à s'interroger. Il découvre, ainsi, que son fils a une petite amie et qu'il continue d'entretenir, à son insu, des relations avec la femme qu'il avait embauchée momentanément pour s'occuper de son fils, jeune alors, au départ de sa femme. Pire, malgré les efforts de ce même commissaire, son fils, repris et mis en examen (à l'époque, on disait inculpé) refuse le contact avec son père.
Donc, je reprends ce que j'ai dit plus haut, le film ne raconte pas la relation père-fils mais raconte l'absence de relation entre un père et son fils et la possibilité de commencer à construire cette relation une fois son fils condamné à 20 ans de réclusion.
La facture est salée pour une illusion d'évidence.
A partir de là des tas de questions se posent dans le film qui ne trouveront aucune réponse car, en définitive, hors de propos : pourquoi en est-on arrivé là? Qu'aurait-il fallu faire pour éviter cette situation ? Quelle est la part de cette incompréhension dans le crime ? etc … etc …
La situation semble se dénouer au procès avec l'unique phrase du père : "je suis totalement solidaire avec mon fils" puisque c'est à partir de là que la relation s'amorce entre père et fils.
Le père, c'est Philippe Noiret qui tient le rôle. Il est excellent en homme qui découvre avec tristesse et effroi qu'il est complètement passé à côté de son fils.
Le commissaire, c'est Jean Rochefort qui tente d'aider le personnage de Philippe Noiret, car lui aussi est paumé dans sa relation avec son propre fils. La grande différence avec Philippe Noiret, c'est que lui en a conscience. Je pense même que la relation d'amitié que le personnage de Jean Rochefort tente vers Noiret est une façon de trouver les clés à son propre problème.
Et autant les personnages joués par Noiret que par Rochefort sont bien au delà des contingences politico-socio-économiques qui ne sauraient expliquer à elles-seules cette fracture générationnelle.
Le personnage joué par Noiret, en refusant en bloc cette bouée de secours, accuse encore plus cette incapacité à comprendre son fils. Et c'est là qu'il y a à mon avis une faiblesse du scénario qui n'a pas assez creusé cette question qui aurait permis d'expliquer ou de montrer le cheminement intellectuel du père (Ph Noiret) jusqu'à la fameuse phrase prononcée au procès.
L'horloger de Saint-Paul est un bon film. La réalisation de tavernier est très efficace et met bien en valeur les personnages dans un Lyon joliment filmé. Il aurait été un excellent film avec un peu plus de travail du scénario.