Je ne pense pas être dans la majorité lorsque je dis que je préfère largement l'œuvre de Wes Anderson depuis Fantastic Mr. Fox, car je trouve qu'à partir de là le réalisateur met en scène des scénarios plus rigoureux et des personnages plus profonds. Mais ce que je préfère aussi dans cette période, c'est que le réalisateur donne l'impression d'évoluer plus vite, de renouveler son cinéma plus souvent, d'éviter de se répéter, mais tout en gardant évidemment son style visuel et son ton uniques.
Ici dans L'Île aux chiens, retour à la stop motion après Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson a considérablement amplifié un virage, qu'il avait déjà entamé avec son précédent film, l'excellent The Grand Budapest Hotel, en donnant plus de parts à la violence et au cynisme. C'est très bien de voir le monsieur évoluer en ce qui concerne ce point de vue.
Visuellement, il y a 1000 idées originales par plan. C'est un régal pour les yeux, quand bien même la majorité de l'action se déroule sur une île croulant sous les détritus. Dans cette optique, le Japon est une bonne source pour le cinéaste.
Un mot de la distribution... celui-ci tourne tout simplement le tournis. Comment ne pas être écrasé par tant de noms de stars prestigieuses (je l'ai vu en VO, bien sûr !).
Et le scénario a le mérite d'être souvent imprévisible pour ne pas que le spectateur que je suis se sente en terrain trop connu.
Bon après, je regrette quelques passages "obligés" peu subtils comme la conversion du rebelle ou encore l'histoire d'amour avec la chienne n'apportant absolument rien à l'ensemble, d'autant plus que ce personnage n'est guère approfondi. Heureusement, d'ailleurs, qu'il y a la lycéenne étrangère parce qu'autrement niveau caractères féminins forts et un tant soit peu mémorables, cela aurait été les abonnées absentes.
En outre, malgré la potentielle force du sujet, la raideur des divers protagonistes fait que l'émotion sous-adjente des meilleurs opus du metteur en scène n'est guère présente ici.
La maîtrise du réalisateur contamine trop les personnages qui ne sortent jamais de leur placidité, ne semblent jamais bouleversés (ou très peu !) ou qui du moins ne parviennent pas à montrer leurs failles sous leur placidité (oui, on est chez Anderson, donc c'est normal qu'il y ait de la placidité, mais pour mieux expliquer mon propos, dans Budapest, le protagoniste avait des réactions inconséquentes sous des airs placides et, sous ce même type de comportement, on parvenait à comprendre le déchirement intérieur de Mr. Fox, hésitant entre une vie familiale conventionnelle et une vie d'aventures risquée ; ce sont ces marques de vulnérabilité qui permettent l'attachement du spectateur avec les personnages andersoniens !).
C'est peut-être parce que l'ensemble s’embarrasse trop de personnages ou d'intrigues secondaires inutiles ou pas creusés (oh un lien avec la chienne !) qu'il n'a plus le temps de se consacrer à l'essentiel, à savoir donner de la chair aux marionnettes.
Je suis content de voir son cinéma évoluer vers plus de violence, plus de cynisme, plus un ton adulte, de voir que son imagination est toujours aussi remarquablement foisonnante, mais je trouve que les quelques défauts de ce Wes Anderson se font un peu trop remarqués pour que le tout ne déçoive pas un peu, surtout par rapport à ses trois œuvres précédentes. Cela reste tout à fait du bon Anderson, mais pour moi, ce n'est pas du grand.