Le cinéma d'animation, n'est pas un cinéma vers lequel je me dirige de façon instinctive, lui reconnaissant quelques pépites absolument magistrales, liées à des souvenirs émus d'enfance, Brisby et le secret de NIMH (1982) ou des évidences générationnelles, Akira (1988), Ghost in the Shell (1995) ou encore des fulgurances d'une telle poésie qu'il est difficile de ne pas adhérer, Anomalisa (2015).
Quoi qu'il en soit réduire le cinéma d'animation à un cinéma pour jeunes enfants ou ados attardés est une erreur, tant l'animation recouvre tout un pan de styles et de films qui s'adressent aux adultes exclusivement ou dont plusieurs niveaux de lectures permettent à chaque âge d'y trouver son compte.
Après une première tentative dans ce cinéma, avec Fantastic Mr. Fox (2009) qui adaptation d'un conte pour enfants s'inscrivaient d'avantage dans cette catégorie de film aux niveaux de lectures multiples, Wes ANDERSON nous propose avec son deuxième film d'animation à ce jour une oeuvre et une proposition clairement destinée à un public adulte ou du moins assez âgé pour bien appréhender tout l'univers et l'histoire qu'il nous narre.
A ce titre le casting original participe dès la genèse du projet à définir ce film comme un film pour adultes. Le casting j'y reviens un peu plus tard.
A travers l'histoire d'un petit garçon qui brave tous les dangers pour aller chercher son fidèle compagnon canin qui comme tous ses congénères a été exilé sur une île isolé du reste de l'archipel nippon suite à une épidémie de grippe qui a poussé les autorités à prendre des mesures drastiques, Wes Anderson nous parle, toujours avec le style et les paradoxes qui habitent sa filmographie et que je développe dans les diverses critiques de son oeuvre, un cinéaste du drame et de la mélancolie qu'il dépeint sous les artifices de la comédie et du burlesque, celui d'un cinéaste qui revit avec ses yeux d'adultes parfois désenchanté, les regards et émotions qui caractérisaient son enfance.
Dans ce film, absolument maîtrisé, tant sur un plan technique, la technique du stop motion est ici d'une rare fluidité tout en conservant son rendu artisanal qui participe de sa poésie, que sur le plan de la narration et de la mise en scène.
Les détails des décors où évoluent ses personnages démontrent à l'image de son décorum pour ses films en prises réelles, à qui certains de ses détracteurs reprochent leur aspect trop faux, prouvant qu'ils n'ont pas compris le propos du cinéaste, qu'il est un grand scénographe et un véritable metteur en scène au sens théâtral du métier. Wes Anderson n'enferme pas ses personnages dans des décors ou des environnements impersonnels mais au contraire les invite à évoluer eh toute liberté dans des cadres définis, des scènes où ils ont juste à exprimer par leurs jeux et leurs attitudes l'histoire qui est présentée au spectateur.
Dans ce film, que j'adore vous l'avez compris, on nous parle d'écologie, de fraternité et de fidélité, mais aussi de corruption politique ou encore de manipulation ou de dérives anti-sciences, on évoque des termes aussi brûlants que l'ostracisation ou la mise au ban de la société d'une partie de ses éléments sur des raisons infondées.
Les influences à l'art de l'estampe japonaise, voisinent avec l'image d'ultra modernité qu'évoque le Japon, tout au long du film on alterne avec ce Japon duo, à la fois ancré dans une tradition millénaire et résolument tourné vers la technologie de pointe. Il cite aussi Hokusai ou Kurosawa dans des plans dont la discrétion n'égale que le brio de ses références.
Je termine cette chronique par un petit bémol qui concerne la version française.
Lors de la création du projet, les personnages et en particulier les chiens ont été pensés, dessinés et animés selon les voix et physiques des acteurs et actrices qui feraient leurs voix, pour un résultat de très grande qualité où les jeux et particularités de chaque comédien appuie ce qu'on voit à l'image.
Pour la VF, Wes Anderson a, selon moi, commis une erreur, plutôt que de privilégier un doublage et d'ainsi permettre à des comédiens choisis par la production de reprendre les intentions voulues dans la VO, il a préféré faire appel à des comédiens connus pour reprendre les rôles de la VO, il en résulte selon moi une dissonance, quand par exemple F. Murray ABRAHAM dont le coffre de basse sied à merveille à son personnage se trouve remplacé par l'excellent mais plus faible en terme de tessiture de voix Daniel AUTEUIL ou bien encore le côté détaché de Louis GARREL qui nous sort complètement de son personnage malgré un jeu largement au niveau.
Je préfère donc largement la version originale, moi qui habituellement ne suis pas aussi intransigeant avec les notions de VO ou VF.
Hors mis ce petit bémol, je vous invite avec enthousiasme à voir ce film d'animation d'une très grande facture.
L'ile aux chiens, en anglais Isle of Dogs ... I Love Dogs, ben moi I love Wes Anderson.