Oui c’est vrai, La Bible est un film grandiose et spectaculaire, et c’est sa plus grande qualité. Ses décors ont un souci du détail assez impressionnant, sans parler de la réalisation particulièrement léchée ; bref si on ne se contentait que de le visionner sans se poser de questions le spectacle se suffirait à lui-même. Mais au-delà de sa maîtrise technique, John Huston malgré tout pèche par excès de suffisance : 3 heures de péplum aussi spectaculaire sans le dynamisme d’un Ben-Hur ça peut devenir particulièrement lourdaud, à la limite du pompeux par moments. Le film se décompose en vingt-deux « chapitres » aux délimitations floues, aussi poussifs qu’irréguliers dans leurs durées respectives ; la mise en scène versant beaucoup plus dans une scénographie contemplative que dynamique n’aide pas à maintenir la barque à flots très longtemps. On a plus l’impression d’assister à un film à sketchs qu’à un long-métrage en propre.
Et il fallait bien évidemment que John Huston se prenne lui-même au piège d’une adaptation du livre Saint. La fameuse Bible, n’importe quel théologien vous le dira, est un ouvrage protéiforme et complexe, sujet à de houleux débats et interprétations ; donc si l’on fait abstraction de l’unilatéralité de Huston dans le choix des scènes à représenter (après tout, lui-même peut aussi avoir sa propre expérience des Écritures), réaliser un film aussi premier degré ne sied guère à la nature de son matériau d’origine. Huston défend une lecture de la Bible sans la moindre critique (être critique envers la Bible ne signifie pas forcément la remettre en cause) et ne semble qu’en donner la lecture, sans point de vue. Pas d’âme, pas de réelle atmosphère ; presque un cours de catéchisme sur les fondamentaux de l’Ancien Testament ; bref cantonné dans un conformisme assez frustrant.
Rythmé anarchiquement, construit sans discernement, spectaculaire sans le moindre soupçon de sensationnel ; Huston est peut-être un bon catholique, mais en conséquence pourquoi manquer autant de passion dans un projet aussi gargantuesque que ce film ? Le débat est tout vert.