Il est intéressant d'observer l'évolution du rapport qu'entretien Guy Maddin avec la narration.
Ayant débuté dans le cinéma sans réelle formation, avec pour seul bagage une sincère cinéphilie, il s'est mis à esquisser ses pensées, à l'image d'un enfant avec une boite de crayon, sans avoir une maîtrise totale de son outil. A force de persévérances, il a réussi à progressivement donner cops à ses idées, jusqu'à The Saddest Music in the World, son film le plus classique à ce jour (et accessoirement son plus gros budget).
Depuis il a entamé une sorte de déconstruction, à travers des films à l'architecture labyrinthique, nous entraînant dans un patchwork de ses souvenirs, la mécanique de ses rêves, et son amour du cinéma (My Winnipeg, Keyhole).
Forbidden Room semble être l'aboutissement de cette démarche. Reprenant le principe du manuscrit trouvé à Saragosse (à savoir une histoire, dans laquelle on nous raconte une autre histoire, dans lequel on trouve une histoire, qui nous renvoi à la première, etc…), il nous présente les fantômes du cinéma, à savoir les oeuvres perdus ou jamais tournés. Il faut rappeler que ce film n'est que la façade d'un projet beaucoup plus vaste, impliquant un site internet, et un système de navigation interactive qui en gros devrait permettre au spectateur de se perdre un peu plus dans les méandres de l'historie de l'image en mouvement (du cinéma muet jusqu'à You-Tube).
À l’état de film, l'objet n'en reste pas moins son chef d'oeuvre. Inutile d'en dire plus. Forbidden Room est un film magique et envoûtant, qui emportera tous les passionnés et tous les rêveurs dans un tourbillon cinématographique.