On le sait bien, le cinéma filme la mort au travail.
Guy Maddin était pour moi l'anti "The Artist", c'est à dire qu'il réutilisait les techniques du cinéma muet et sa force vitale pour justement faire vivre une sorte de pulsion originelle du cinéma et non une commémoration construite sur des codes figés.
Ca a pu créer des films formidable, le court métrage "Heart of the World" ou le long "Coward bend the knee".
Avec "La chambre interdite", Guy Maddin est parti d'une série de séances de spiritisme organisées au centre Georges Pompidou de Paris. Ces sessions étaient en fait une série de performances d'art contemporain collaboratifs qui pouvaient avoir un certain intérêt (je n'ai pas eu, malheureusement, l'occasion d'y assister) mais qui ne font pas sens pour servir la naissance d'un projet plus global destiné à habiter/hanter les salles de cinéma.
Le problème est que d'avoir utilisé cette matière pour en faire un long métrage a complètement sapé ce qui faisait la pertinence de son travail.
Le résultat final est un film décousu, mal rythmé et pas du tout ouvert sur le monde ni, et c’est ça le pire, vers le spectateur. Ce ne pourra au mieux que générer un plaisir d’entre soit aux comédiens et à la petite communauté arty qui a pu participer aux performances à Beaubourg. Mention spéciale du coup aux acteurs qui sont très bons, mais au service du néant.
On pourrait rétorquer que Guy Maddin a réalisé beaucoup de films essentiellement autobiographiques, avec plus ou moins de succès d'ailleurs, (si Et les lâches s’agenouillent était génial, les Trous dans la tête et Winnipeg étaient vraiment moins bons) mais il s'est toujours servi de cette moelle pour nourrir et se nourrir de la puisance du cinéma muet. Utiliser des images sans age, c'était se donner à lui une immortalité et au spectateur un espace qu'il pouvait investir (comme toute autobio quand elle est bien faite).
Alors certes l’enrobage est peut-être même encore plus beau que jamais, notamment grâce à la participation de Evan Johnson ; mais ne construit au final qu’un joli cercueil vintage pour mieux enterrer la puissance du cinéma muet alors que le spiritisme, en théorie, c’est justement de ramener à la vie et au mouvement les fantômes.
De ce point de vue, le film rate complètement sa cible.