Les choses sont dites dès l'ouverture du film : « La pièce que nous allons vous montrer n'est ni un drame, ni une comédie. Elle ne comporte aucune intention morale, et elle ne vous prouvera rien du tout. Les personnages ne sont ni des héros, ni de sombres traitres. Ce sont de pauvres hommes : comme moi, comme vous. Il y en a trois principaux : lui, elle, et l'autre. Comme toujours. ».
La chienne est un film d’une rare noirceur dans lequel tout le monde trompe tout le monde et qui me fait penser à cette phrase de Pascal « Que le cœur de l'homme est creux et plein d'ordure ! »
Fait assez rare à l’époque, le film n’est pas tourné en studio, mais dans les rues de Paris et en son direct ce qui n’empêche pas Renoir de multiplier les mouvements de caméra, les plans longs, et de nous donner une photo noir et blanc superbe.
On peut considérer ce film comme un chef-d’œuvre même si j’ai quelques réserves sur la fin. La transformation du petit employé brimé par ses patrons et sa femme, puis poussé au crime, en homme libre parce qu’il est devenu clochard, me semble être un point de vue assez « petit-bourgeois rêveur » sur la condition des clochards. Cela dit, cette fin annonce le personnage de Boudu dans cet autre chef d’œuvre qu’est Boudu sauvé des eaux que Renoir tournera un an plus tard, de nouveau avec Michel Simon dans le rôle principal. Michel Simon qui, dans les deux films, est absolument exceptionnel.
La Chienne a fait l’objet d’un remake de Fritz Lang en 1945, La Rue rouge (Scarlet Street) qui est très loin d'en être une pâle copie puisqu'il s'en distingue complètement, tant sur le fond que sur la forme. Sur la forme, car le film est bien loin du naturalisme de Renoir, sur le fond car Lang donne ici une dimension tragique qui n'existe pas dans le film de Renoir du fait de sa fin ci-dessus mentionnée.