Il faut un peu s'arrêter sur le générique, repris trois fois, qui filme une fresque de pierre en bas relief représentant des hommes qui luttent, les plans se faisant de plus en plus rapprochés. L'ensemble suinte la souffrance et résume ce qu'est "La condition de l'homme" dans son ensemble de 9 heures : un état de guerre permanent.
Historiquement, le film se situe lors de la débâcle japonaise en 1945, lorsque les troupes soviétiques envahissent la Mandchourie,( devenue province japonaise depuis 1931 ) qui la rétrocèderont ensuite à la Chine.
Dans la guerre avec les soviétiques, une nouveauté stylistique apparaît : des arrêts sur image.
La débâcle éparpille tous les colons japonais dans la nature, ce qui donne lieu à bon nombre de beaux plans nocturnes dans la forêt profonde où nombreuses sont les rencontres insolites que peut faire le petit bataillon sous le commandement de Kaji. Les gros plans sur les visages sont régulièrement utilisés. Kaji fait toujours preuve d'un atypisme, d'une énergie sans faille, luttant avec rage pour survivre avec l'unique obsession de retrouver Michiko.
Le personnage depuis le début de la trilogie est intéressant car sa rébellion continuelle contre l'autorité supérieure, ses idéaux humanistes font nettement du film une oeuvre antimilitariste, bien qu'il ne montre que cela. Des plans inclinés symbolisent les images traumatiques revues en pensée.Les personnages de femmes sont très attachants et apportent l'humanité manquante à ce monde d'hommes guerriers. La débâcle est filmée comme une interminable agonie. Le film se fait plus explicitement politique. La scène où le bataillon finit par se rendre, sous la supplication d'une femme, est un moment d'anthologie. Les bourreaux d'hier deviennent les esclaves des nouveaux maîtres, tout aussi impitoyables, de la région. La boucle est bouclée, et avec elle, toute l'ironie de l'histoire apparaît. Il est amusant pour le spectateur d'entendre Kaji se faire traiter de "samouraï nazi". Posant problème aux soviétiques, il est convoqué devant une sorte de tribunal lors d'une scène surréaliste, où les uns parlent russe, Kaji japonais et l'interprète traduit comme il veut. Finalement envoyé aux travaux forcés, Kaji parviendra à s'enfuir et deviendra une sorte de spectre-mendiant, guetté par la folie, où seul, le souvenir de Michiko lui donne la force de marcher. Visiblement parti du mauvais côté, se retrouvant dans un paysage enneigé, il finira par tomber d'épuisement, se laissant recouvrir par la neige. Le cinéaste n'aime rien mieux que ces plans vastes de paysages désolés où seule la présence minuscule d'un homme le renvoie à sa condition. Cette fameuse et funeste condition de l'homme.