En adaptant le best-seller et Prix Pulitzer d'Alice Walker, le célèbre Steven Spielberg signe ce qu'il nomme lui-même "son premier film d'adultes". La Couleur Pourpre ou la belle et triste histoire de Celie, jeune femme noire vivant dans le sud des États-Unis de la première moitié du XXe siècle. Un mélo flamboyant qui relate comment Celie, engrossée à deux reprises par son beau-père, vendue à un certain Albert qui en fait son esclave, séparée de force de ses enfants mais aussi de sa sœur et qui va trouver un jour la force de redresser la tête. En chemin, elle aura appris à respecter la femme qu'elle est, à connaître un peu d'amour et de justice, tout ça grâce à l'amitié et aux délicates attentions d'une chanteuse de blues qui n'est rien moins que la maîtresse de son mari et qui lui inculquera la dignité.
Plaidoyer antiraciste et antisexiste où foisonnent les bons sentiments, La Couleur Pourpre use et abuse de toute la maestria technique de son réalisateur pour nous offrir une longue et immense fresque, renforcée par les superbes et originales compositions blues de Quincy Jones. La mise en scène, dans le droit fil de la grande tradition hollywoodienne, participe pleinement à la volonté de nous émouvoir et de nous faire fondre en larmes face au destin de cette femme malmenée. Et pour ce faire, Spielberg n'hésite pas une seule seconde à tendre plus que de raison le fil de son arc.
En fait, ici, c'est comme si chaque image et chaque émotion avait été réfléchies pour mieux toucher la corde sensible du spectateur. Ça se ressent durant tout le film et l'on peut certainement affirmer que le si cinéaste atteint incontestablement une maîtrise quasi-totale de sa discipline, ce talent ne suffit pas. Car si le métrage est techniquement sublime avec la présence de formidables comédiens, il n'en reste pas moins qu'il est très souvent insupportable dans son approche émotionnelle. Si Spielberg avait su prouver par le passé qu'il a toujours réussi la prouesse de dépasser, sinon de révolutionner, le genre qu'il abordait (suspense, science-fiction, aventure, film pour enfants, etc.), il rate indéniablement son coup ici en valorisant tous les clichés et les poncifs du mélo. Avec La Couleur Pourpre, le cinéaste ne révolutionne rien, il caramélise son film d'enfants martyrs et de femmes battues, le saupoudre de violon et de faux suspens sans omettre de rajouter encore quelques drames et humiliations de-ci de-là. Certes, l'addition de tous ses ingrédients fait merveille et les larmes des spectateurs les plus sensibles coulent à flot depuis bientôt 40 ans. Mais il faut néanmoins avouer que Spielberg choisit la facilité et l'évidence.
Cet excès d'effets de style, dans un genre déjà très chargé émotionnellement, joue comme un pléonasme. Il aurait peut-être fallu plus de retenue et de sobriété pour faire de La Couleur Pourpre le film authentique et bouleversant qu'il aurait dû être. Ici, le distilleur d'émotion s'est malheureusement métamorphosé en arracheur de larmes. Et hormis trois ou quatre scènes réellement magistrales, les 2h34 du film restent, à mes yeux, essentiellement cliniques.