Cluny Brown est le genre de jeune femme qui aime réparer des tuyauteries bouchées en faisait « Bang » dessus avec une grosse clé à molette, et juste après, s’extasier de cet exploit en miaulant de plaisir. Ajoutez au tableau Belinski, un écrivain tchèque, fuyant Hitler, un brin philosophe, adepte des plaisirs simples de la vie et à l’humour irrésistible. Après s’être rencontré lors du débouchage miraculeux de l’évier cité plus haut, nos deux amis se recroisent en pleine campagne anglaise, elle en tant que bonne, lui en tant qu’invité de la maison où elle sert.
Le résultat est une comédie aux dialogues superbes et à l’humour satyrique et subtil, où Charles Boyer et Jennifer Jones déploient tout leur charme et leur talent. Les décors de la campagne anglaise sont tout à fait charmants, entre les beaux intérieurs du manoir, les petites maisons fleuries qui bordent les routes et le magasin de l’apothicaire, on se croirait dans un conte. D’ailleurs Cluny et Belinski se disent être comme sur une île déserte, attendant d’être sauvés, ce qui amène un côté fantaisiste.
Il ne faut pas oublier les seconds rôles, tous très travaillés et servant le but précis de se moquer de la société anglaise. Personnellement, j’ai un petit faible pour les deux domestiques en chef, patrons de la naïve Cluny, qui prennent leur travail et leur condition de larbins avec tellement de sérieux que s’en est à la fois tordant et ridicule.
Bien sûr derrière la carrière frustrée de plombier de Cluny il faut lire une critique d’une société trop hiérarchisée et dictatrice de conduite, bien que, et c’est là tout le génie de Lubitsch, le double sens à connotation sexuelle soit évident. La réaction plus qu’horrifiée de l’entourage de Cluny lorsque celle-ci ose « s’abandonner » à la plomberie, comme si elle « abandonnait » sa vertu, est la dénonciation par le réalisateur d’une société trop puritaine qui aurait besoin d’un bon « bang ».
En tout cas, moi j’ai toujours pensé que les Anglais étaient un peu coincés…