La décennie 70 marque le retour en force au cinéma des détectives privés (en particulier sur la côte ouest) et de leur genre de prédilection, le film noir, opportunément requalifié de néo-noir : détectives du passé (Gittes dans "Chinatown", Marlowe-Mitchum dans "Farewell, my lovely"), parfois transportés dans le présent (Marlowe-Gould dans "The long goodbye", Marlowe-Mitchum dans "The big sleep"), ou détectives du présent (Harper dans "The drowning pool", Wine dans "The big fix", et donc Moseby dans "Night moves").


Cet Harry Moseby incarné par Gene Hackman partage avec le héros de Robert Altman un code de valeurs désuet, et un certain décalage avec leur époque, qui les amène à se faire balader par la gent féminine, au point de faire fausse route dans leur enquête respective.
C'est pire dans le cas de Moseby, trahi par quasiment tout le monde, à commencer par sa femme qui le trompe, de sorte que le film d'Arthur Penn s'apparente à une allégorie de l'échec.


Pour achever la comparaison avec "The long goodbye" (que j'ai vu à quelques jours d'intervalle), les deux réalisateurs partageant un souci de critique sociale qui prime sur l'enquête policière, j'ai préféré "Night moves" pour ses personnages secondaires plus intéressants, sa narration plus fluide, et surtout son final étourdissant.


Le film de Penn décolle vraiment lorsque le récit déménage vers les Keys, archipel floridien dans lequel Moseby va rencontrer diverses personnalités intrigantes, telles que la troublante Jennifer Warren, blonde maigrichonne au teint hâlé, ou la piquante Melanie Griffith, adolescente sans aucun tabou.
Mais à mes yeux, ce qui va inscrire "Night moves" au panthéon des detective stories, c'est ce dénouement extraordinaire, constitué d'une scène d'action formidablement immersive, puis d'une révélation (génialement mise en scène) sur l'identité du meurtrier, avant un dernier plan brillant, tragique métaphore de toute cette enquête.


Pour moi, inutile de chercher plus loin la référence du film de détective à la mode seventies - même si "Chinatown", doté d'un format plus long et d'une ambition supérieure, se situe dans doute un cran au-dessus.

Créée

le 27 déc. 2020

Critique lue 212 fois

9 j'aime

4 commentaires

Val_Cancun

Écrit par

Critique lue 212 fois

9
4

D'autres avis sur La Fugue

La Fugue
Docteur_Jivago
9

L'errance d'une âme tourmentée

Alors qu'il s'était éloigné des plateaux de cinéma pour se consacrer aux planches de théâtre durant quelques années, Arthur Penn revient en 1975 avec Night Moves, où il met en scène un détective...

le 8 déc. 2016

19 j'aime

La Fugue
VilCoyote
7

Fugue en ré mineure

Le titre original de cette fugue est "Night Moves", et c'est vrai que les lignes du film bougent surtout sous la lune chaude de Floride et de Californie. Quand on a des choses à se reprocher, la nuit...

le 11 févr. 2013

19 j'aime

La Fugue
oso
7

Introspection en eaux troubles

Marqué par le désespoir typique des 70's, sous ses airs de polar peu nerveux, Night moves cache un portrait d'homme construit avec minutie. A cette occasion, Arthur Penn déverse sur bobine une belle...

Par

le 3 sept. 2014

14 j'aime

6

Du même critique

Baby Driver
Val_Cancun
4

L'impossible Monsieur Baby

Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...

le 20 juil. 2017

60 j'aime

15

Faites entrer l'accusé
Val_Cancun
9

Le nouveau détective

Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...

le 2 avr. 2015

50 j'aime

11

Bullet Train
Val_Cancun
4

Compartiment tueurs

C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...

le 4 août 2022

49 j'aime

17