Que dire qui n'ai pas déjà été dit sur le nouveau film de Paolo Sorrentino? Tout d'abord je suis allé voir ce film avec une grande crainte. Crainte de me retrouver face à un film-fleuve d'esthète, une satire intello ou une déclaration d'amour pompeuse à Rome. En fait La Grande Bellezza tient un peu de tout cela à la fois. Je ne suis pas familier de ce genre de film, et le dernier souvenir de cinéma similaire, dont je suis ressorti de la séance aussi galvanisé remonte à Holy Motors de Carax. Dans l'un comme dans l'autre, tout n'est pas donné au spectateur, les béances aménagées au sein du scénario lui laissent un rôle à jouer ou tout du moins l'obligent à gamberger.


Paolo Sorrentino a un vrai sens du cadre. Rien n'est laissé au hasard de la première à la dernière minute, c'est d'ailleurs ce qu'on pourrait lui reprocher, un emballage trop léché, surfait. Pour moi cela participe au génie de ce film, La grande bellezza qu'a vainement recherché Jep Gamberdella, un journaliste mondain, nous est projetée à la face durant deux heures vingt. Les plans de Rome tiennent d'un étrange rêve plutôt que de la carte postale et participent à la création d'un espace incertain, où se côtoient la débauche et le sublime. L'oisiveté rencontre le sacré et personne finalement ne semble être heureux dans cette Rome endiablée. Les images des fêtes, nombreuses, sont tout bonnement obsédantes, semblables à un tourbillon, dans lequel se noient les protagonistes et plonge le spectateur. L'alternance de chants lyriques et de musiques de discothèques synthétise la vie de Gamberdella, le jour, sensible, esthète, la nuit entraîné dans le néant de la vie mondaine. Ce néant Jep, le palpe, le ressent, s'en moque même, mais pourtant n'en sort pas. Comme si la lente apathie qui l'a peu à peu détourné de sa carrière d'écrivain, s'assimilait à une drogue qui aurait pris au fil des années le contrôle de sa vie. Alors Jep s'amuse, rencontre des femmes se lasse, travaille, se ballade, mais la nostalgie guette. Soixante-cinq balais le Jep. Soixante-cinq années d'abus en tout genre et de noctambulisme qui ont laissé un visage marqué, un homme las et désabusé.


L'héritage de Fellini est bien sûr incontestable, dans ce microcosme jet-set, où l'on se fait voir plus qu'on ne voit. Pourtant point de malhonnêteté de la part de Sorrentino, plutôt un amour farouche de ce cinéma italien qu'il ravive. Les personnages sont une galerie de "monstres" risiens, rongés par l'amertume, l'angoisse, la lubricité etc. Pourtant une véritable fascination opère dès les premières minutes.


La manière de filmer de Sorrentino a beaucoup à voir avec le regard. Il capte des bribes visuelles, des instants fugaces lors des errances de Gep. Beaucoup de scènes étranges, sans réel apport scéaristiques au film parsèment également le film, ce qui nous plonge d'autant plus de le voyage introspectif de Jep. Le montage de Cristiano Travaglioli (également monteur de This must be the place et Il Divo) contribue énormément à l'atmosphère étrange et envoûtante que distillent les images du film.


Pour finir, je dirais que le film vaut la peine à tous les niveaux et qu'il entre pour moi dans la catégorie du cinéma-total, pas au sens du réalisme exacerbé, mais plutôt de la synergie de la technique et du propos, de la musique et de l'image pour un résultat où tous les aspects du film se subliment.

LucasBillard
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le 21 juil. 2013

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