La grande bellezza par Nicolas Chaussoy
Jep Gamberdella, ancien écrivain, désormais journaliste, a 65 ans. Pour lui, c'est l'heure du bilan. Désabusé, érudit, mélancolique, l'homme n'a aucune famille, n'a plus rien écrit depuis une éternité et enchaîne les soirées mondaines. Sorrentino réalise là un grand film malade. La mondanité romaine qu'il dépeint est d'un nihilisme affolant, portrait d'une bourgeoisie folle qui ne sait pas ce qu'elle fête ; «Ces gens ne savent rien faire, ils ne savent pas où ils vont». Tout cela est d'une grande tristesse mais conjointement plutôt gracieux. La crise existentielle de Jep (Toni Servillo, formidable) est baignée par le métaphysique et les allégories religieuses, en atteste la beauté de certains plans. La Grande Bellezza donne par contre parfois l'impression de tourner à vide, notamment à travers ses nombreuses longueurs et sa relative lenteur. Reste un film d'une grande désespérance, portait sans concession d'une bourgeoisie qui tourne en rond et d'un homme qui n'avance plus. «Si Proust n'a pas réussi à écrire sur le néant, pourquoi y parviendrais-je ?» se demande Gamberdella. De cette absurdité, Sorrentino réalise une œuvre dépressive mais juste sur la vacuité relative de nos vies. Pas déplaisant.