Parmi les nombreux films vus ces derniers mois et pour lesquelles je n'avais pas eu le temps d'écrire une critique, il y a ce grand film iranien.
Il s'agissait pour ma part de mon premier film iranien, et à ce jour, toujours le seul vu. J'aime quand un film m'offre à voir une autre cuture, une autre façon de concevoir le monde et son équilibre général, hors mis les traits parfois caricaturaux que véhiculent les médias à propos de l'Iran, je ne connais rien de ce pays, ni comment les gens vivent au quotidien, comment ils s'adaptent à la main mise des mollahs, ni comment la jeunesse s'émancipe etc.
J'ignorais par exemple totalement l'impact sur toute la société iranienne, toutes ses couches sociales, de la drogue, particulièrement les dérivés d'opium, qui ont les avantages d'être produits dans la région et d'être très bons marchés et l'inconvénient notable de rapidement entraîner une forte dépendance, tant psychique, que physique. Je savais, pour avoir entendu parler d'autres pays assez proches culturellement, que la peine de mort était la règle et qu'elle est globalement appliquée. Je n'étais donc par surpris outre mesure par ce point du script.
L'envie du film à se ranger dans les thrillers et autres films noirs, permet au spectateur occidental pas forcément familier de l'Iran, son cinéma, sa culture, d'avoir assez de prises pour s'accrocher et immédiatement comprendre les enjeux, cette envie donc, est réussie et que ce soit dans le montage, la mis en scène, le découpage des plans tout parle aux amoureux du genre, sans toutefois singer les aînés, une relecture orientale qui m'a ravie.
Mais au delà de cet aspect, ce qui pour moi inscrit tout de suite ce film, comme un grand film, dont on devra dorénavant prendre en compte ses apports, c'est la psychologie et la confrontation entre les deux principaux protagonistes, mais aussi entre eux et leurs entourages.
Samad, flic dont l'intégrité s'est mué depuis un bon moment en intransigeance, dont l'envie de servir sa patrie s'est transformée en emprise psychologique sur tous ceux qui ont à faire à lui, il ne connait pas la pitié, ne pratique pas la tolérance, sa confiance seul lui y a droit, ta seule façon de t'en sortir, donner un nom plus gros, sinon tu plonges et la justice te condamnera à tous les coups. Son intransigeance s'adresse tant aux délinquants que ses descentes assassines piègent, des drogués, des paumés, des gens malades que Samad trouve normal d'enfermer dans des conditions inhumaines, toujours pour servir sa croisade contre la drogue, jamais aider ses utilisateurs, jamais envisager un aspect sanitaire, toujours détruire le produit, et pas la source des problèmes de la société iranienne ici en particulier, mais cette réflexion vaut chez nous et son intransigeance s'adresse aussi à ses collègues.
Nasser Khakzad, parrain local couramment désigné par les petits dealers comme étant le centre névralgique du trafic à Téhéran, restait inconnu des services de police, face à la froide détermination de Samad il finit par être pris - une astuce de scénario que je me garde de vous dévoiler transforme ce personnage en tout autre chose qui aura un impact sur le choix final du flic. Il a désormais le temps d'une enquête uniquement à charges, pour accepter l'inéluctable ou réussir à convaincre un subalterne de prendre le chapeau pour lui, en échange la garantie d'un avenir pour sa famille.
Dès le départ et tout du long, le film annonce clairement quel sera le dénouement, nous obligeant ainsi à nous concentrer sur le cœur du film, la confrontation humaine. Tout comme la critique de cette réalité est laissée au soin du spectateur, mais parfois évoquer les faits suffit à influencer un avis plus qu'une attaque frontale.
C'est donc par les dialogues, le jeu des acteurs absolument épatants tous les deux et servis par des seconds rôles qui amalgament des gueules issues des films les plus noirs du cinéma mondial et des talents de comédie et d'acting passionnants que le film m'a littéralement abasourdi, questionnant énormément de sujets qui ont pu me concerner, quand à la fin, si elle est attendue, elle reste vraiment forte émotionnellement.
Revu hier en dvd avec le même plaisir.