Fabietto Schisa garde son Walkman à la ceinture, son casque autour du cou, ses chemisettes rentrées nonchalamment dans le pantalon. Mal dans sa peau, l’adolescent napolitain n’est pas aidé par sa famille bigarrée – aussi truculente qu’embarrassante –, entre une grand-mère méchante, une tante exhibitionniste et un oncle communiste. Il trouve que la réalité est « nulle » et rêve de cinéma .
Avec ses cheveux noirs bouclés et sa carrure de Coton-Tige, Fabietto (Filippo Scotti) est finalement un jeune homme plus ou moins comme les autres. Il vit encore chez ses parents (Toni Servillo et Teresa Saponangelo), prend son grand frère Marchino (Marlon Joubert) pour modèle et fantasme sur sa tante Patrizia (Luisa Ranieri). Son été est rythmé par les rumeurs du transfert imminent au SSC Napoli du « plus grand footballeur au monde », Diego Maradona. Un jour de 1984, Fabietto aperçoit son idole dans une voiture et sa vie va tragiquement basculer. Le destin du garçon est lié à celui de l’Argentin.
Voilà le voyage initiatique, flirtant avec l’onirisme et la bizarrerie, que propose le virtuose italien Paolo Sorrentino dans son nouveau film, disponible le 15 décembre sur Netflix, La Main de Dieu. Une référence à ce but légendaire marqué de la main par Maradona, avec sa sélection, en quart de finale de coupe du monde face à l’Angleterre.
Avec son neuvième long-métrage récompensé par un grand prix du jury à la dernière Mostra de Venise, le formaliste transalpin délaisse son style, il est vrai, parfois pompeux et son ironie habituelle, celle-là même qui faisait la saveur de son chef-d’œuvre La Grande Bellezza (2013) et la déception de Silvio et les autres (2018). Si la perfection visuelle de ses cadres reste, le cinéaste s’assagit en livrant son œuvre la plus personnelle. Il réussit là où il avait toujours échoué mais, oui, Paolo Sorrentino peut être émouvant. Et pour cause : c’est son histoire qu’il filme. Fabietto, c’est Paolo ; Paolo, c’est Fabietto.
À 50 ans, le réalisateur d’ Il Divo (2008) se raconte intimement, jusqu’aux détails les plus sordides dont on ne dira mot, et convoque ses fantômes créatifs : Fellini, Zeffirelli, Leone, Capuano.
Critique publiée dans l'Humanité