I really love Scotch whisky
Ken Loach est un habitué du drame social et c'est sans surprise qu'on découvre le thème de son nouveau film. Seulement, et c'est ce qui change la donne du tout au tout, c'est par la comédie qu'il veut faire passer son message. C'est sans morale qu'il décrit la situation, c'est en donnant de la poésie à des personnes dures qu'il séduit et qu'il fait de La part des anges l'un des meilleurs films de l'année.
Puisque c'est la mode en ce moment, l’Écosse est à l'honneur dans La part des anges et toute la culture du pays s'en dégage, de la bande son au whisky, des Highlands au fameux château d'Edinburgh. Des jeunes de Glasgow font des conneries et doivent les assumer. Pire, l'un d'eux - notre héros - est sur le point de devenir père et il risque la prison à la moindre nouvelle incartade. Ils se retrouvent en travaux d'intérêts généraux sous la houlette d'un tuteur fin connaisseur de whisky qui va les initier à l'art subtile de la dégustation et plus particulièrement le futur papa.
Le pitch est simple mais appréciable là où de nombreux cinéastes cherchent la grandiloquence du propos et c'est peut-être ce qui a séduit le jury Cannois. Les répliques sont franchement drôles, l'accent à couper à la machette et les décors sublimes. Ces jeunes sont un peu idiots, peu au courant de ce qui se passe autour d'eux, ne voient pas plus loin que le lendemain, aiment se la coller sans penser aux conséquences de leurs actes et veulent juste un peu de reconnaissance et une vie simple. Mais ces jeunes ont du cœur et dans leur ignorance, sont tout à fait drôles.
Voyage initiatique pour ces quatre écossais en kilt dans le nord de l’Écosse pour découvrir leur histoire et leur patrimoine mais surtout pour se relancer dans la vie. Le vol, c'est le mal mais c'est aussi la seule porte de sortie qu'ils ont, ou du moins qu'ils voient. Et c'est en le tournant en dérision que Ken Loach va réussir le tour de force de nous faire accepter le geste et surtout c'est en mettant la pression aux personnages qu'il va nous tenir en haleine. Le sujet est basique et ce qui s'en dégage est quelque chose de vraiment touchant. On passe du rire au larme d'une image à une autre et on se laisse attendrir par le destin de ce jeune père de famille. Il a commis des choses affreuses et essaye de s'en repentir, à sa manière. Il ne sait pas vraiment comment réagir alors il peut devenir violent.
On le comprend. On ne lui pardonne pas ce qu'il a pu faire, mais on fait comme lui, on avance, on se remet et on essaye de devenir meilleur.
C'est en cela que La part des anges est un très bon film. Il réussit à communiquer au spectateur une palette d'émotions énorme dans une comédie parfois franchouillarde mais toujours intelligente. Ce que nous autre français ne comprenons pas, c'est peut-être qu'une comédie peut avoir du sens et ne pas se limiter à un jeu de quiproquos absurde, avec les mêmes têtes, encore et encore. Ken Loach a pris des inconnus, aux visages marqués pour ses personnages et en a tiré toute la substantielle moelle. Les détracteurs du bonhomme ne se remettront pas de cette récompense "injuste" mais il est parfois agréable de voir que le cinéma n'est pas forcément complexe, qu'il peut aussi permettre de passer un bon moment en touchant le spectateur là où ça peut faire mal, le faire rire, le décomplexer vis-à-vis de sujets sérieux, sensibles. C'est agréable de voir qu'on n'a pas besoin de faire un Holy Motors pour être reconnu et qu'on peut même le surpasser. Coup de cœur.