J'ai vraiment très envie de mettre 10... Je peux ???

Devant vous, incontestablement, l'un des meilleurs films de l'année ! On l'attendait avec plus que de impatience ; le nouveau-né du grand Ken Loach. Et si l'affiche et le mot « comédie » peuvent faire croire à un changement de genre de la part du réalisateur, il n'en est rien : le petit dernier ne faillit pas à la règle, nous sommes bien face à un cinéma dit "social". Une nouvelle fois, Loach peint à merveille un milieu défavorisé et met en scène des personnages qui, pour faire simple, ne sont pas aidés par la vie.

La part des anges peut sembler comme un condensé d'un certain nombre d'oeuvres du réalisateur. On retrouve de Sweet Sixteen le passé qui ne veut pas s'effacer et les vieux démons qu'on ne peut pas chasser, on retrouve l'incompréhension de la famille de l'être aimé (cf Just a kiss), les problèmes financiers (cf Sweet sixteen -entre autres parce qu'ils peuvent tous correspondre !), etc etc...Et on retrouve bien sûr, comme pour l'ensemble de la filmographie de l'artiste, un véritable souci de réalisme.

Qui mieux que lui sait filmer la violence qu'on trouve dans ces rues, les règlements de compte qui jamais ne s'arrêtent, le désespoir de ces gens face à leur propre vie ? Bien évidemment, la réponse est personne.



Le film s'ouvre sur une scène mythique : un homme et sa bouteille vont faire un tour sur les rails avant d'être interpellés par Dieu (sans commentaire^^). Cet homme nous amènera au tribunal, où nous ferons la connaissance de bien d'autres "têtes" pour arriver enfin à celle que nous suivrons ensuite (et que nous suivrons toujours!).

Robbie tente désespérément de se libérer de l'emprise de l'engrenage qui règne désormais sur sa vie. Il veut changer, s'améliorer. Mais difficile d'échapper à ce que l'on est – et en l'occurrence surtout à ce que l'on a été. Dès le début, le réalisateur tend à nous montrer l'injustice dont est victime notre héros. Pourtant, bientôt, il cassera le « mythe » du pauvre garçon incompris, en nous mettant face aux ravages qu'il a entrainés. Bien joué ! Nous nous serons déjà attachés à lui, et il sera trop tard pour lui en vouloir. Surtout lorsqu'on aperçoit sur la joue de Robbie cette seule et unique larme, d'une force sans égale, exprimant merveilleusement le profond remord qui prend possession de son être.

Paul Brannigan interprète à merveille la dualité de ce personnage, tantôt doux tantôt violent. La passion qui émane de lui est belle à voir, l'amour qu'il porte à sa famille l'est tout autant. [Ses yeux sont absolument merveilleux (je sais, ça n'a rien à faire là !), même ses oreilles décollées sont charmantes (je sais : de même !)]. Il a une très belle présence, il est juste et touchant, de ces gens qu'on ne demande qu'à prendre dans nos bras...

Et ses acolytes ne feront rien pour nous déplaire. A chacun son caractère et ses particularités : tour à tour, il nous font rire et sourire, c'est presque à celui qui dira le plus de conneries ! Leur foi en la vie inspire le respect, et c'est véritablement plaisant de les voir évoluer tous ensemble.



Enfin, et disons le, l'histoire est originale. Quelle aventure ! [et Dieu sait qu'il y en a eu des aventures en cette année 2012, entre Moonrise Kingdom et I wish nos voeux secrets... à croire que maintenant, c'est au tour des adultes, et oui il en faut pour tout le monde !].

"Comment le whisky peut résoudre tout vos soucis" <---- En voilà une idée !!!

Ken Loach pare son film d'un habit de comédie, mais sous les rires se cachent les traditionnelles inquiétudes. Du délicieux moment d'amusement à la violence qui mène au drame, il n'y a qu'un pas : en effet, à tout moment le film pourrait basculer d'un extrême à l'autre.
Soulignons enfin les nombreux moments de grâce qui viennent orner ce film, avec en tête de liste, la première fois que Robbie tient son fils contre lui. L'hésitation magique à prendre ce nourrisson fragile entre ses mains, l'amour qui se lit dans ses yeux, l'espoir qui envahit tout son être, et la promesse qu'il se fait d'être une bon père et même, au-delà, d'être une bonne personne. C'est en fait un instant de pure merveille ; émouvant plus qu'il n'est possible.


Des personnages attachants, un suspense haletant dont on ignorait encore l'existence dans la filmographie de ce grand Monsieur, des surprises de taille (le grand « haaaaaan » qui a résonné de toutes parts dans la salle est hautement significatif !!). En résumé, on rit, on pleure, on a peur, on cache nos yeux, on est surpris, on s'inquiète, on s'amuse, on est ému, on est touché, et à la sortie, la musique du générique refuse de sortir de notre tête, et on s'aperçoit avec étonnement qu'un grand sourire est apparu sur notre visage...


Nb, à Ken Loach : Monsieur, vous êtes grand, très grand. Et je vous remercie. De tout mon coeur !
emmanazoe

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