En 1930, le passage au parlant, suivi du krach de 1929, étaient tout récents, pourtant la Fox, qui perdait un peu en importance, voulait retrouver le succès de son chef d’œuvre muet : La caravane vers l’ouest. Elle investit énormément de moyens dans la réalisation de ce premier western parlant et ambitieux. Raoul Walsh, connu notamment pour Le voleur de Bagdad, un des premiers modèles de films de cape et d’épée, est aux commandes, et le mot d’ordre est : réalisme !
La piste des géants fut presqu’entièrement tourné en extérieur, dans le Wyoming, dans des conditions proches de celles auxquelles les pionniers du film font face. Raoul Walsh parcourut des mois durant avec son équipe le trajet des pionniers, pour plus d’authenticité. Quelques chiffres pour prouver l’ampleur des moyens mis en œuvre, dans le seul but du réalisme : 20 000 figurants, 1 800 bestiaux, 1 400 chevaux, 500 bisons, plus de 700 indiens de tribus différentes, et parlant leur langue… Autant dire que la Fox n’y ait pas allée de main morte !
Mais quel résultat ! Un film épique, des scènes grandioses qui s’enchaînent, un 70mm qui donne une profondeur de champs magnifique. Un réalisme à la hauteur des espérances. Et puis bien-sûr, John Wayne dans son premier grand rôle dans un western ! S’il est encore maladroit dans son jeu (d’aucun diront qu’il le restera toute sa carrière), il est déjà impressionnant, surtout lorsqu’il récite des odes à la nature.
Il y a toutefois quelques erreurs. Le scénario est très prévisible, comme l’histoire d’amour, et certains personnages sont on ne peut plus caricaturaux, les trois méchants notamment. Il y a aussi une affaire d’indiens qui changent brusquement et bizarrement de camp. Pourtant, en contrepartie, La piste des géants contredit certains clichés du western classique. Non, les indiens ne sont pas tous méchants : la plupart des rencontres se déroulent bien, ils ont des raisons de se battre, et sont même les mentors du héros. De plus, ce dernier n’a pas toutes les filles à ses pieds, il a même du mal à conquérir Marguerite Churchill (on ne doute pas qu’il y arrivera). On ne peut qu'apprécier le coté humoristique apporté par le Suédois à qui il arrive toutes sortes de mésaventures, axées autour de sa mule, son chariot, et sa belle-mère ! Mais le plus impressionnant est l'absence de loquacité du film. Pour un film de 1930, les mots sont pesés, et si un peu grandiloquents, ils sont souvent très beaux.
Ode au courage des pèlerins et aux rêves des américains, la Grande dépression le rend plus fort, moins patriotique que dans La caravane vers l’ouest dont il s’inspire ouvertement (la séquence finale sous les séquoias de l’Oregon est en tous points similaire à la fin du film de 1924). Cependant, le film sera un cuisant échec commercial, et John Wayne, lancé, devra attendre 9 ans, et La chevauchée fantastique, pour connaître le succès.
PS : il paraîtrait que la séquence la plus impressionnante du film, celle de la descente de la falaise, n'ait pas été présente dans le scénario, et que Raoul Walsh, confronté à cette situation, en eût profité pour tourner une scène d'action supplémentaire. Pareillement, la chute du chariot aurait été un accident de tournage !