Par son choix de l'adaptation d'un conte, Michel Hazanavicius, en plus de prouver à nouveau son amour pour le cinéma et sa curiosité inextinguible qui le pousse à en explorer toutes les formes et tous les tons, échappe à deux écueils qui auraient certainement été fatals à un tel sujet.
Celui d'abord de l'angélisme. Refusant d'emblée de s'adresser officiellement à un public enfantin, le film d'animation qu'il propose est un film dur, qui ne contourne pas les faits, ne brandit pas le non-dit et la métaphore comme solution de facilité.
Celui ensuite de la distance. Démarrant dans les forêts, où la faune et la flore sont les témoins muets de l'Histoire, le film s'évade alors pour mettre en parallèle des destins croisés et manqués, et en profite là pour raconter la Shoah sans équivoque, avec une dureté et une frontalité nécessaires et incontournables.
Hazanavicius habille alors audacieusement son film d'images silencieuses, de tableaux glaçants, qui se font alors le point d'orgue d'un film bouleversant et qui révèlent qu'au fond le film parle de vies brisées et parties en cendres, de l'horreur et de l'amour, de la mort et de la vie, avec force simplicité.
Parfois déroutant par son rythme et par ses directions narratives, confus dans son propos (notamment cette note finale qui brouille inutilement les pistes entre fiction et réalité), La plus précieuse des marchandises est un film précieux pour sa puissance, pour sa beauté, et pour la voix de Trintignant qui résonne telle un fantôme pour mieux en invoquer d'autres.
Et parce qu'il participe, par sa morale, évidente mais qu'on ne se lassera jamais d'entendre, à faire trace avec une vivace contemporanéité de la plus grande horreur du XXème siècle.