La Plus Précieuse des Marchandises
7.1
La Plus Précieuse des Marchandises

Long-métrage d'animation de Michel Hazanavicius (2024)

On avait déjà mouillé de larmes les pages du (très court) roman éponyme, dont les 100 petites pages cherchent (et trouvent) l'humanité, l'amour désintéressé, la préciosité de la vie, dans les plus atroces moments de l'Histoire (alors évidemment : on pleure, que voulez-vous). On a de nouveau (beaucoup) trempé nos joues devant l'adaptation de Michel Hazanavicius, qui évite le piège du copier-coller (impossible) du livre, en donnant à voir de façon frontale, distordues, sans filtre, les fameuses images mortifères des camps (qui étaient absentes du conte, il fallait avoir le recul historique pour combler les non-dits) qui frappent, font mal, impressionnent. On pense à ce train dont la fumée est agressive, dont le museau a le reflet d'une tête de mort, on pense à ces visages à la Edvard Munch qui hurlent toute l'horreur des camps, à ces milles images qui pourraient sortir de Nuit et Brouillard, qui nous anéantissent le cœur, le tout sur une musique d'Alexandre Desplat qui nous achève de beauté tragique (une de ses meilleures compositions). Mais dans toute cette vision cauchemardesque (si seulement ça n'avait pu rester qu'un mauvais rêve...), la bonté perce, l'amour d'une mère improvisée, d'un ronchon de bûcheron, d'un ermite inconnu, d'un père enfermé qui tient le coup dans l'espoir mince de revoir sa fille, toute cette palette de sentiments humains foudroient le nihilisme de ceux qui voudraient croire à la haine et à l'extermination. Dans cette adaptation encore, Michel Hazanavicius n'oublie pas de donner beaucoup de cœur à ses personnages, à créer de vraies scènes légères et touchantes (

le bûcheron et la mère qui se cachent de part et d'autre de la maison, pour ne pas s'avouer que ce vieux ronchon l'aime bien, finalement, cette petite...

C'est simple, drôle, efficace). Au doublage, on se régale avec Dominique Blanc, Grégory Gadebois, et quelques phrases (au début et à la fin) du regretté Jean-Louis Trintignant. A l'animation, on retrouve une certaine fluidité, un soin des décors et des personnages qui flattent l’œil sans nous détourner de l'histoire. Et évidemment, on avait beau connaître la fin, on a replongé dans notre mouchoir, la scène étant difficile émotionnellement (

cette petite fille qui rejette son père car il a une "gueule à faire peur" en ressortant des camps...

Craquements de paquets de mouchoirs dans la salle, reniflements, déglutitions : on nous tient). S'il garde la trame générale du livre (cette dame un peu naïve qui trouve un bébé dans la neige, et ne comprend pas quel danger il représente pour elle et son mari, aux portes des camps d'extermination...), le film de Michel Hazanavicius prend le parti de regarder plutôt vers le réalisme (les images explicites) que vers le "conte à compléter" (ce qui ne pouvait pas marcher à l'écran), tout en y faisant référence au travers de son animation très inspirée, de ses doublages aux petits oignons, de sa musique bouleversante, au service d'une histoire qui n'a pas fini de faire fondre notre cœur comme neige au soleil.

Aude_L
8
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le 1 juin 2024

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Aude_L

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