J'ai découvert ce long-métrage hier soir dans une avant-première à Angers avec la présence du réalisateur. Autant dire qu'il a livré de nombreuses clés de lecture et de compréhension pour son premier long-métrage d'animation. Je précise que je n'ai pas lu le roman éponyme (publié en 2019 aux Éditions du Seuil) qui s'est largement fait un nom pour le public ainsi que dans les établissements scolaires (en 6e avec les contes en cours de Français) où il est étudié.
Ici le cinéaste adapte un conte, et ce, avec toute la portée universelle que cette histoire implique (Il était une fois, personnages archétypes sans nom, des situations improbables dans une histoire réaliste, pas de désignations de vrais mots sur les groupes de personnes, ...). Jean-Claude Grumberg (auteur du roman) est un ami de la famille de Hazanavicius et ce film adapte correctement le livre tout en prolongeant certains passages pour livrer de véritables instants de poésies ou éventuellement d’effroi.
Hazanavicius a déclaré qui ne se voyait pas pour des raisons personnelles (et les écueils que cela peut impliquer) faire un film en live sur le sujet de la Shoah. En cela, l'animation lui a été une alternative plus confortable. Cela était aussi l'occasion de développer tout un univers graphique rempli de symboles et de métaphores allant du figuratif à l'abstrait. La base graphique est de l'animation japonisante (encre) mais dans une approche d'illustrations ou de gravure de contes des pays de l'Est. Hazanavicus a fait appel pour la musique à celui qu'il considère comme le meilleur compositeur de l'Hexagone et de sa génération Alexandre Desplat. Sa partition magnifique est complétée par des chants yiddishs complètement dans la thématique du film. Le réalisateur a reconnu avoir retirer de la musique de son film pour laisser place au silence ainsi qu'aux bruitages. Il faut dire aussi que le film n'est pas très bavard, le réalisateur étant attaché aussi au langage des images (ce qui renvoi à l'essence même du 7e art).
Pour ce qui est du casting vocal, le réalisateur a déclaré avoir enregistré ses comédiens en 15 jours. Son premier choix est celui sur le narrateur. Il lui même voulu un homme dans les 80 ans pour conteur, ce qui le tourna un acteur dont il trouvait la voix magnifique, à savoir Jean-Louis Trintignant. L'acteur a en effet enregistré son rôle (le dernier de sa carrière) avant son décès en juin 2022. La distribution est complétée plus tard par Dominique Blanc et Grégory Gadebois (le couple de bucheron) ainsi que Denis Podalydès (l'homme à la tête cassée). Évidemment les comédiens récitent à merveilles les phrases du roman.
Pour conclure je dirais que pour un premier film d'animation, Hazanavicius s'en sort à merveille. C'est une œuvre singulière de part son esthétique développée par le réalisateur et le studio d'animation 3.0 Studio. Ce support pour raconter un conte bénéficie d'une puissance évocatrice lui permettant de livrer des scènes touchantes et/ou bouleversantes. Cette histoire universelle révèle "le pire comme le meilleur du cœur des hommes". Véritable ode aux Justes ce bijoux d'animation est une approche résolument novatrice et prometteuse pour raconter la Shoah, et ce, dans la continuité de l’œuvre de Grumberg.