En 1976, suite aux triomphes commerciaux de Rosemary's Baby (Roman Polanski - 1968) et de L'Exorciste (William Friedkin - 1973), Michael Winner tente d’apporter un futur classique à la mythologie satanique seventies en réalisant The Sentinel (titre original U.S). A l’instar du flippant best-seller homonyme de Jeffrey Konvitz, le cinéaste britannique joue ici sur deux registres : le réalisme et le religieux. Et si le diable tenait le rôle principal dans quelques précédents films du genre (ce qui est également le cas avec La Malédiction de Richard Donner, sorti lui aussi en 1976), c’est Dieu, ici, qui retrouve son commandement tandis que l’Église édifie des plans des plus machiavéliques.

Allison, mannequin professionnel au tempérament suicidaire, décide d'emménager dans un vieil immeuble avant de s'apercevoir qu'il est peuplé par une poignée de locataires un tant soit peu étranges, dont un vieux prêtre aveugle résidant au dernier étage et passant ses journées devant sa fenêtre. Rapidement témoin d'inquiétants évènements surnaturels, Alison glisse-t-elle dans la folie ou bien est-elle réellement possédée par des forces irrépressibles ?...

À l’aide d’un excellent roman original traitant du phénomène TSPT (troubles du stress post-traumatique), d’un casting hallucinant (Ava Gardner, Chris Sarandon, Eli Wallach, John Carradine, Burgess Meredith, Arthur Kennedy, José Ferrer, Christopher Walken, Jeff Goldblum…), d’érotisme (une petite scène d’orgie), de perversion (une malaisante scène de masturbation lesbienne), de macabre (une scène de cannibalisme), de références littéraires (La Divine Comédie - Dante Alighieri, Le Paradis Perdu - John Milton), le tout sous la houlette d’un solide réalisateur (Le Corrupteur - 1971, Un Justicier Dans La Ville - 1974), La Sentinelle Des Maudits possédait effectivement tous les atouts à devenir un grand classique du cinéma horrifique. Mais le manque d’enthousiasme du cinéaste pour le genre demeure malheureusement perceptible de bout en bout.

En l'état, le terrifiant roman de Konvitz (que je vous conseille fortement) ne se prête guère au déferlement de démons qui clôt le métrage dans une apothéose n’allant pas sans laisser une impression de ridicule. Plutôt déplacée également, l’apparition de ces femmes orgiaques et felliniennes qui verse malheureusement l’ensemble des scènes d’épouvante dans le caricatural. Winner appuyant de toutes ses forces sur cette horreur de foire spectaculaire alors que le roman, lui, la distille lentement, suivant une progression inéluctable, essence même du complot de possession centrée sur l’hésitation et faisant adroitement passer l'univers religieux dans le domaine du fantastique.

A mon humble avis, Michael Winner a commis l’erreur de nombreux cinéastes s’essayant au genre : plus que comme un thriller fantastique de choc, il aurait dû traiter La Sentinelle Des Maudits à la manière délicate et subtile de son génial Corrupteur. Malgré cela, il n'en reste pas moins une œuvre devant laquelle l'on ne s'ennuie pas et que tout adepte du genre se doit de visionner au moins une fois dans sa vie.

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