La « Terre tremble » est un film réaliste décrivant de manière assez précise la vie d’une famille de pêcheurs d’un village de Sicile. L’ensemble est intéressant, les acteurs, du cru, sont formidables -ils crèvent l’écran- et l’image est excellente. On peut cependant faire deux remarques plus critiques : Il m’a toujours semblé d’abord, que l’exigence formelle de Visconti corsète un peu ses films. Comme souvent la perfection se réalise au détriment de la vie, et de fait il manque dans ses œuvres un peu de spontanéité, de fraîcheur, de capacités à surprendre. Ensuite, le bourgeois, l’aristocrate même, qu’il était ne pouvait se contenter de décrire la vie de simples pêcheurs. Il lui fallait y superposer une pensée plus vaste, plus lyrique : elle a pris en l’occurrence le visage du communisme et de l’appel à la révolution. C’est autant de perdu en nuances et en sensibilité. Je ne peux m’empêcher à ce sujet de comparer « La terre tremble » à un autre film italien, tourné en patois lui aussi, sur la condition de petites gens, mais paysans cette fois : » L’arbre aux sabots ». Les similitudes entre les deux œuvres abondent, la différence étant que Ermanno Olmi, réalisateur de l’Arbre aux sabots, était lui même fils de paysan, et que son film était d’abord une occasion d’exprimer sa gratitude vis à vis de sa famille. Face à son sujet, il adopte une position modeste : » à hauteur d’hommes ». Visconti, dont le film n’a rien d’une affaire de famille, préfère le surplomb des grandes idées. Au final, le film du premier se révèle plus riche, il décrit tout autant les injustices sociales à l’œuvre, mais sans que ses personnages ne soient jamais embrigadés dans une réthorique extérieure. C’est tout à son avantage et l’on aurait aimé que Visconti ait fait œuvre d’autant de sagesse dans son propre film.