J'y allais presque à reculons tant je n'avais jusqu'ici jamais été totalement convaincu par le cinéma d'Abdellatif Kechiche. Je n'avais pas du tout aimé « L'Esquive » et plutôt apprécié « La Graine et le mulet » ou « Vénus noire », tout en relevant à chaque fois des longueurs très regrettables. « La Vie d'Adèle » faisait ainsi presque figure de test : soit ça passait, soit ça cassait. Ce fût finalement la première solution, et j'en suis ravi. N'idéalisant jamais ses personnages tout en les aimant profondément, le réalisateur ne cherche jamais à en faire trop, simplement à nous raconter une histoire d'amour avec ses mots, ses tripes, le tout sans jamais négliger l'époque dans laquelle nous vivons, ni tomber dans la récupération facile type « Le Mariage pour tous, c'est trop bien ».


Au contraire, tout paraît réfléchi, calculé, dosé pour offrir quelque chose de profond et souvent d'infiniment subtil, parfaitement représentatif de ce que peut être la vie : magnifique par moments, douloureuse voire atroce à d'autres. Autre grande idée : plutôt que d'opter pour une narration linéaire, Kechiche privilégie des moments de vie bien précis, essentiels dans le parcours de l'héroïne et ce qu'elle deviendra au fil des années. L'ensemble donne ainsi quelque chose d'incroyablement cohérent voire parfois de profondément émouvant, d'autant que cette émotion n'est jamais surlignée, apparaissant au contraire de façon très naturelle, toujours dans la logique de ce qui a pu nous être proposé auparavant.


Au final, que cet amour soit homosexuel n'a en définitive que peu d'importance tant le propos est universel, chacun pouvant se reconnaître dans cette relation parfois déchirante, d'une incroyable justesse. Alors, c'est vrai : dommage que les scènes « explicites » (euphémisme) soient beaucoup très longues (surtout une), mais qu'importe : porté par une remarquable Léa Seydoux et surtout une Adèle Exarchopoulos éblouissante, sublime, en état de grâce (César du meilleur espoir féminin d'ores et déjà dans la poche), « La Vie d'Adèle » est une Palme d'or méritée, trois heures de vrai beau cinéma à la fois populaire et exigeant : merci M. Kechiche.

Caine78
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2013, Les meilleurs films des années 2010, Les meilleurs films LGBTI+ et Les meilleures Palmes d'or

Créée

le 17 avr. 2018

Critique lue 186 fois

1 j'aime

Caine78

Écrit par

Critique lue 186 fois

1

D'autres avis sur La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
OEHT
10

Tomber amoureux

Une fille sort de chez elle au petit matin, s'éloigne dans la rue en remontant son pantalon puis se met à courir pour attraper son bus. Dans le train qui la mène au lycée, elle s'endort et nous...

Par

le 10 oct. 2013

243 j'aime

38

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
guyness
5

Terre Adélie

Alors, je précise d’emblée que pour pouvoir apprécier la vie d’Adèle, il faut pouvoir mettre de côté deux ou trois détails qui pourraient agacer: le fait que sur près de 30 personnes qui ingurgitent...

le 19 févr. 2014

160 j'aime

29

Du même critique

Enquête sur un scandale d'État
Caine78
2

Enquête sur un scandale cinématographique ?

Thierry de Peretti est un réalisateur doté d'une bonne réputation, notamment grâce à « Une vie violente », particulièrement apprécié à sa sortie. J'y allais donc plutôt confiant, d'autant que le...

le 20 août 2022

32 j'aime

8

Mourir peut attendre
Caine78
4

Attente meurtri(ère)

Cinq ans d'attente, avant que la crise sanitaire prolonge d'une nouvelle année et demie la sortie de ce 25ème opus, accentuant une attente déjà immense due, bien sûr, à la dernière de Daniel Craig...

le 7 nov. 2021

29 j'aime

31

L'Origine du monde
Caine78
3

L'Origine du malaise

Je le sentais bien, pourtant. Même si je n'avais pas aimé « Momo », adapté du même Sébastien Thiéry, cela avait l'air à la fois provocateur et percutant, graveleux et incisif, original et décalé,...

le 25 sept. 2021

25 j'aime