Déjà, l'environnement est triste. Bailleul semble morte ou en sommeil. C'est l'été mais les rues sont désertes et le soleil ne perce pas les nuages. Ainsi se présente cette ville du Nord, morne territoire d'un groupe d'adolescents désoeuvrés à peine divertis par leurs courses de mobylettes ou leurs réunions laconiques sur une place de la ville.
Bruno Dumont filme le vide social et le vide dans les têtes. L'ennui ou l'abandon est pesant, palpable, et illustre la misère existentielle de la bande de Freddy. Ce dernier est la figure centrale du récit, dont la physionomie exprime à elle seule, comme ses copains, la pauvreté affective et intellectuelle autant qu'un probable échec social. Le regard naturaliste que Dumont porte sur ses personnages est alimenté par d'habiles et discrets indices psychologiques et sociaux sur lesquels il serait trop long de s'attarder, mais qui témoignent d'une observation sensible autant qu'avisée. Avec l'appui de ses comédiens amateurs, aussi vrais que nature, Dumont atteint un réalisme humain d'une rare authenticité (cette vérité crue conduit même Dument à insérer un plan pornographique).
Au bout de leur errance quotidienne,
le crime raciste qui sanctionne le caractère fruste des adolescents (et surtout la jalousie sentimentale de Freddy)
est le seul évènement du film. Ce fait divers nous invite à voir, en plus de la chronique sociale et provinciale, la généalogie d'un drame annoncé; annoncé par une existence trop aride, trop affligeante pour ne pas secréter un acte défoulatoire.
Un film aussi lucide que maîtrisé.