Plus noir que “Rebecca” ou “Soupçons” d’Hitchcock, plus psychanalytique que “Gaslight” (Hantise) de George Cuckor “Undercurrent” se présente comme la seule incursion de Vincente Minnelli dans le film noir. Il inaugure aussi le mélodrame psychanalytique au sein duquel le cinéaste livrera quelques chefs d’œuvres. La mise en place (un peu trop longue et bavarde) s’attache à une femme, chimiste en passe de devenir une vieille fille, garçon manqué à l’humour vachard, courtisée par un voisin pesant et maladroit. Katharine Hepburn incarne ce personnage, amoureuse et épouse d’un richissime séducteur. Mais tout va basculer. Appuyé sur un casting superlatif : Hepburn, Taylor, Mitchum utilisé à contre emploi, le réalisateur aborde deux de ses thèmes favoris. En premier la difficulté d’échapper à sa classe sociale avec l’entrée dans la haute société, difficulté embarrassante, voire humiliante, pour cette provinciale mal dégrossie. En second, la réalité transcendée par le rêve, mais en l’inversant. Car en s’introduisant dans l’imaginaire de son époux, Ann entre progressivement dans un cauchemar. Le noir et blanc de Karl Freund ainsi que la lancinante musique de Brahms mettent en relief les immenses qualités de mise en scène de Minnelli. La construction des plans et la fluidité des mouvements de caméra donnent à l’ensemble une élégance certaine. Efficace et raffiné le corps du film est une leçon de cinéma aux réalisateurs cités plus haut, que Minnelli ne renie pas comme le prouve la séquence Taylor-Hepburn, à cheval au bord d’un précipice. Si Katharine Hepburn est prodigieuse dans le rôle de cette femme fragile et Mitchum, malgré un faible minutage à l’écran, exprime avec douceur une inquiétante ambiguïté, Robert Taylor habitué à jouer les héros glacialement drapés dans leur vertu, peine à se transformer en salaud, surjouant la plupart du temps (Brooks le dirigera nettement mieux dans « The Last Hunt » dix ans plus tard) . Et, de la part du cinéaste, la fin paraît bien terne, loin de l’envolée émotionnelle qu’elle appelait. Malgré ses brillantes qualités « Lame de fond », à cause de ces quelques réserves, peine à se hisser au niveau des grandes réalisations du cinéaste.