Avant-dernier film de Jean-Pierre Melville, "Le cercle rouge" est souvent considéré comme son œuvre la plus aboutie, en particulier au niveau de sa quête de l'épure.
C'est sans doute ce qui fait que je lui préfère des films avec davantage de "chair" et d'épaisseur psychologique, tels que "Le deuxième souffle", "Le doulos" ou "L'armée des ombres".
La première moitié m'avait totalement comblé pourtant : on y retrouve cette capacité de Melville à installer des ambiances (décors, costumes, situations…) : une atmosphère d'une densité telle qu'on reste fasciné par l'écran, même lorsqu'il ne s'y passe à peu près rien.
Le spectateur est immergé dans la photo bleue-grise signée Henri Decae (similaire à celle du "Samouraï" et de "L'armée des ombres"), à la tonalité froide et métallique, qui souligne magnifiquement la rigueur hivernale du nord-est de la France, lors de la traque de Vogel par exemple.
D'autre part, les personnages apparaissent intrigants, à l'image d'un Delon moustachu aux traits tirés, ou d'un Bourvil humain et élégant, marqué physiquement par la maladie qui le ronge dans la vraie vie. Sans oublier le soin apporté à tous les seconds rôles, du gardien de prison corrompu au vieux truand en pyjama, en passant par le chef de la police d'un cynisme effroyable.
Oui mais voilà, "Le cercle rouge" ne tient pas toutes ses promesses sur la durée, avec une seconde moitié moins inspirée et inspirante, où le rythme très lent et la rareté des dialogues finissent par se faire sentir, provoquant une certaine lassitude de ma part.
On assiste ainsi à ce morceau de bravoure qu'est la séquence du casse, une petite demi-heure pratiquement dénuée de paroles, unanimement saluée. Une leçon de mise en scène, soit, mais pour ma part je n'ai pas été transcendé par cet épisode.
J'avoue que j'aurais préféré voir l'émergence d'autres enjeux et thématiques, à la place de ce dénouement un peu bâclé et totalement prévisible, dans un film dont le sujet central est la fatalité. Encore une fois, "Le cercle rouge" est irréprochable dans sa forme, mais le fond me paraît un peu léger, ce n'est pas un film auquel j'ai souvent repensé après le visionnage, contrairement au "Deuxième souffle" et sa richesse thématique, ou à "L'armée des ombres" et son ancrage historique.
Heureusement, cette seconde partie est aussi l'occasion de découvrir les personnages du flic alcoolique et de l'ancien truand qui se refuse à faire l'indic, deux figures mémorables brillamment incarnées par Yves Montand et François Périer.
Quoi qu'il en soit, en dépit de mes quelques réserves, voilà un film qui mérite amplement la découverte, un polar tranchant et épuré, sombre et pessimiste, d'une élégance mortifère, dans lequel Melville fait preuve d'une totale maîtrise de son art.