D’une grande maîtrise formelle, Le Contour de la nuit attire l’œil par ses néons chatoyants illuminant une charmante asphalteuse : Miyuki Kuwano qui joue délicatement l’ingénue, la vulgarité et l’expérience lasse. Plus qu'une afféterie, ce splendide éclairage de studio accompagne de son irréalité l'héroïne dans le “compartimentage” de sa condition. L'ancienne ouvrière d'une fabrique de néons colore ainsi ses nuits d’un lien entre les deux situations, et la prostitution devient métier comme un autre. Un travail avec savoir-faire à acquérir. Des rituels de la nuit que le film décrit méticuleusement dans ses plus belles séquences : la séduction nonchalante, par les regards, sourires, une ronde délicate d'une indécision de façade le temps d’une cigarette, l’attente langoureuse à battre le pavé, les coups d’œil au bourreau-protecteur, etc.
Une vision romantique mais qu’importe, c’est sa vision noble de ses nuits*. Et puis cette idéalisation n‘élude pas l’horreur avec à côté une démonstration des engrenages de la prostitution : d'un amour pour un homme faible à la poigne ferme et violente des syndicats du crime. Une mécanique dramatique précise et un peu attendue mais qui donne aussi de beaux moments de grâce comme ce dernier râle d’une vivante fatiguée au milieu de l’abusive musique tonitruante de fin.
Le formalisme de studio à son acmé ne s’arrête pas à une photographie de la nuit rêveuse ; le montage agence et dynamise parfaitement cette histoire maintes fois vue en enchainant rapidement les courtes scènes. Entre le classicisme racé et l’art de l’ellipse et du parallèle où un geste du passé raccorde dans le présent entre gentil et mauvais garçon. Des effets de comparaisons et de surprises temporelles qui forcent un peu le contournement du parcours monotone mais menés avec un tel raffinement qu’on les accepte avec plaisir.
* Les ellipses des scènes de lit par un fondu bleu surlignent ce compartimentage subjectif par la lumière.