Il doit exister des études prouvant que voir de bons films participe directement au bien-être des gens. En tous cas je dois dire que Le dernier métro m'a fait beaucoup de bien. J'avais probablement besoin de la douceur de la caméra de Truffaut qui arrive à capter subtilement les moments de tendresse délivrés par la non moins grande Catherine Deneuve. Son personnage, si bien écrit dans son ambigüité entre ses rôles d'actrice et de directrice de théâtre, de femme dévouée et de femme désirante, est coincée entre sa volonté de rester fidèle à un homme caché mais maître en coulisse, et sa volonté de séduire un homme libre mais imprévisible, volage, qui se bat de manière active pour la liberté. La manière de manier les dialogues pour faire ressentir à la fois le ressentiment du couple caché et la profonde affection qui les relie, tout en faisant naître petit à petit la passion des amants libres, dont l'apogée sera la scène dans la loge, filmée avec une économie de geste et de parole, relève de la virtuosité. Truffaut est décidément doué lorsqu'il s'agit de trio amoureux, illustrant la complexité des désirs humains, et celui-ci se terminera sur une très belle scène de réunion, beaucoup moins tragique que Jules et Jim.
Notre contexte actuel a sans doute aussi contribué à me rendre si sensible à ce film. Voir cette troupe et son équipe d'artistes se battre et continuer coûte que coûte à produire des œuvres malgré la guerre, l'occupation, la censure, la traque de "l'ennemi rampant", résonne et nous fait vibrer au milieu de cette crise, où nous sommes encore plus privés de culture qu'ils ne l'étaient sous l'occupation. Malgré les arrangements avec les instances d'autorité, les ambitions de chacun et les drames personnels, tout cela est mis de côté lorsque vient le moment de la représentation, où toutes les énergies se tendent pour produire la magie du spectacle qui ne laisse personne indifférent, pas même les fachos.