Lorsque l'on se penche sur les apparitions chronologiques des tribus cannibales dans l'Histoire du cinéma, il est amusant de constater que celles-ci se dessinent pour la première fois en 1925 sous l'égide de Walt Disney lors d'un court-métrage d'animation intitulé Alice Cans the Cannibals. Depuis, les anthropophages ont fait leur petit bout de chemin et les films dits de "cannibales" se sont peu à peu naturalisés afin de créer un malaise de plus en plus conséquent chez les spectateurs avides de sensations fortes.
1972. Une petite œuvre italienne d'Umberto Lenzi, Cannibalis : Au Pays De L'Exorcisme, apparaît sur les écrans sans pour autant bouleverser le cinéma d'aventure traditionnel. Mais il est toutefois à signaler qu'il est le tout premier long-métrage à utiliser le cannibalisme comme élément central de l'histoire.
5 ans plus tard, un autre Italien, Ruggero Deodato, ancien assistant réalisateur de Roberto Rosselini, s'attaque lui aussi au genre et va inexorablement changer la donne avec Le Dernier Monde Cannibale. À l'origine, le métrage devait faire suite au film de Lenzi et être réalisé par ce dernier. Mais les producteurs, refusant de rémunérer Lenzi autant qu'il le souhaitait, ont préféré se rabattre sur Deodato, aux exigences plus modestes, qui se lança corps et âme dans cette aventure avant d'avouer, bien plus tard, que ce film fut l’œuvre la plus difficile qu'il eut à tourner durant sa carrière.
Inspiré par la disparition en Nouvelle-Guinée du fils du milliardaire Nelson Rockefeller, Le Dernier Monde Cannibale s'affiche dès la première seconde tel un film-réalité où le personnage principal, Robert Harper, aurait réellement existé. Ce qui est, bien sûr, totalement faux. Les scénaristes ont donc inventé l'existence de ce protagoniste, un exploitant pétrolier, se crashant malencontreusement en compagnie de trois de ses assistants sur l'île de Mindanao, sauvage et quasi inexplorée. Ce qui, entre parenthèse, est totalement abracadabrantesque puisque l'île fut soumise à la domination japonaise lors de l'expansionnisme du Japon Showa, colonisée de fond en comble et servit de bagne aux prisonniers philippins durant la Seconde Guerre mondiale. Bref, passons.
Après quelques péripéties mouvementées pour échapper à des indigènes anthropophages, Harper se retrouve à errer seul dans la jungle jusqu'à sa capture par une tribu d'autochtones qui le préconise à servir d'appât lors d'une future chasse aux crocodiles. Emprisonné dans des conditions extrêmes, maltraité et privé de son humanité, Harper se métamorphose peu à peu en animal sauvage où seule la survie compte...
Réalisé en milieu naturel comme s'il s'agissait d'un documentaire, le film fut un formidable succès commercial international. Ce qui permit à Ruggero Deodato d'obtenir un budget bien plus conséquent pour la seconde et troisième partie de ce qui deviendra finalement une trilogie avec Cannibal Holocaust (1980) et Amazonia, La Jungle Blanche (1985).
Pourtant remarquablement interprété par Massimo Foschi, Le Dernier Monde Cannibale est malheureusement très souvent jeté aux oubliettes au dépend de son frère cadet Cannibal Holocaust, bien mieux maîtrisé artistiquement, il est vrai. Il n'en reste pas moins un excellent film d'aventure jusqu'au-boutiste et au final spectaculaire dans le domaine de l'horreur pure.