Quentin Dupieux cache un large sourire sous sa barbe de pâtre grec en écoutant les applaudissements du Palais des Festivals qui ponctuent son arrivée avec les cinq comédiens de Deuxième acte. Il sait par avance que certaines personnes présentes dans la salle vont rire jaune devant son nouveau film aux allures de pamphlet. Pendant une heure vingt minutes, le barbu hilare brasse les thèmes actuels les plus brulants et nous sert un plat bien épicé qui va en faire grimacer plus d’un et plus d’une.
En tête de gondole Me#Too, bien sûr, qui en prend pour son grade, mine de rien. Il faut voir Raphael Quenard dire à Léa Seydoux, qui vient de lui refuser un baiser ; « Mais tu vas quand même pas dire que je t’ai violé ! ». Puis c’est au tour de l’homosexualité masculine de passer à la moulinette d’un Dupieux en pleine forme, aussi habile dans le plan-séquence interminable qu’avec une plume trempée dans l’acide citrique. On imagine que les dents vont grincer, celles du jury mais aussi celles des invités à la réception du soir. Les provocations de Quentin Dupieux vont laisser quelques traces chez celles et ceux qui le portent aux nues depuis des années sans se rendre compte que le bonhomme déteste ce milieu un brin putride où ils évoluent avec tant de démagogie.
Dans Deuxième acte, les comédiens se confessent sur leurs vraies vies de comédiens, oui c’est du métacinéma façon Dupieux, et en prennent plein la gueule pour notre plus grande joie. Vincent Lindon en vieil acteur blasé, Léa Seydoux en actrice en pleine crise de nerfs professionnelle, Raphael Quenard en arriviste déjà désabusé par son métier et Louis Garrel en acteur inculte (Il ne sait pas qui est Paul Thomas Anderson) mais néanmoins donneur de leçons.
Quentin Dupieux continue de passer son scanner sur la probité et la pertinence de l’art et sur les motivations de celles et ceux qui en vivent. Après avoir rendu hommage, avec son style évidemment, à Garde à vue dans Au Poste, à Au Théâtre ce soir dans Yannick et au Fantôme de la liberté dans Daaaaaali, Dupieux nous refait Le Mépris de Godard, sans BB, certes, mais avec Léa Seydoux et une bonne dose de méchanceté. Pour moi c’est le meilleur film de Quentin Dupieux, un véritable régal pour les amoureux de cinéma.