Je crois que ce film est un aveu. Ça fait déjà pas mal de temps que Dupieux empile les films qui dépassent péniblement l'heure de métrage, dont la prometteuse idée de départ se résume à un argument marketing et n'est quasiment pas exploitée. En guise de dramaturgie, nous avons droit à des scènes loufoques, qui ne font qu'évoquer des thèmes qui ne sont jamais approfondis. Son talent fait le reste. Alors oui, j'ai pris du plaisir à ses films, que j'ai pour la plupart vus au cinéma. Mais après Fumer fait tousser j'avais perdu le fil. En fait, pour le dire simplement, j'avais l'impression de me faire prendre pour un con.
J'ai regardé Le Deuxième Acte attiré par sa distribution (exceptionnelle) et son argument : une simple histoire de couples, à la Emmanuel Mouret. Sauf que cette histoire ne sera jamais racontée. Et pour cause : ses acteurs la trouvent nulle et ne veulent pas la jouer.
Comment ne pas voir dans le comportement des acteurs, et en particulier de Vincent Lindon, un cri du cœur de la part du cinéaste ? Le cri qu'il n'y croit plus, qu'il n'a plus envie. Au vrai, les films de Dupieux ont toujours donné cette impression de je-m'en-foutisme, mais même si leur intrigue s'évanouissait vite, la situation au moins demeurait, au moins pouvait-on croire en quelque chose, en rire souvent, s'en inquiéter parfois. Le Deuxième Acte ne permet même plus cela. Il ne faut pas plus de cinq minutes à Louis Garrel pour briser la quatrième mur, et si l'on croit au début à un simple clin d'oeil au spectateur, à la Godard, force est de constater dès la scène suivante - extrêmement pénible je trouve - entre Léa Seydoux et Vincent Lindon que le film a définitivement quitté les rives de la dramaturgie pour celles du cynisme. Alors certes Dupieux donne encore un peu de grain à moudre aux exégètes, entre allusions à la "cancel culture", au changement climatique et à l'intelligence artificielle. Mais tout cela est traité par-dessus la jambe, sans la moindre suite dans les idées. Il est assez cocasse de voir Vincent Lindon se plaindre de la nullité du texte qu'il a à jouer dans un monologue encore plus mal écrit...
Le plus triste, c'est que le constat dépasse largement le seul cas de Quentin Dupieux. Je crois que Dupieux n'est qu'un symptôme : celui d'une époque qui ne sait plus quoi raconter, qui préfère les samples aux vrais musiciens, la copie à l'original. Que ses films fassent eux-mêmes le constat de leur vacuité ne les rend pas moins creux pour autant. Il ne suffit pas d'être malin pour être un artiste ; il faut y croire, et je crois que Dupieux, s'il n'y a jamais totalement cru, n'y croit désormais plus du tout.
PS : heureusement qu'il y a Raphaël Quenard.