Gort et les autres robots de sa génération sont des gendarmes intergalactiques : à quelque 400 millions de kilomètres de chez nous, ils ont reçu les pleins pouvoirs pour intervenir sur n'importe quelles planètes présentant une menace, et, le cas échéant, pour les détruire.
Voilà notre géant de métal accompagnant Klaatu (Michael Rennie : ici clone improbable de Burt Lancaster et d'André Wilms) pour avertir les Terriens : notre course à l'armement atomique constitue un risque potentiel pour l'univers ; il nous faut absolument infléchir cette dangereuse tendance, sinon...
If you threaten to extend your violence... this earth of yours will be reduced to a burned-out cinder.
Le Jour où la Terre s'arrêta sortit à un moment où la population des États-Unis, engagés dans le conflit coréen (1950-1953), vivait dans l'angoisse d'une guerre nucléaire imminente et de l'Apocalypse.
Le film, adapté d'une nouvelle, se veut à la fois pacifiste et sermonneur : l'hubris des humains est non seulement suicidaire, mais elle est aveugle et vaine : ailleurs, des êtres vivants complexes --- et vivant en paix --- ont des capacités intellectuelles et technologiques infiniment supérieures.
À preuve, la vitesse de la soucoupe volante embarquant Klaatu et Gort (6500 km/h) --- les avions les plus rapides de l'époque volaient à 800 km/h ---, l'infinie puissance de destruction de Gort, l'intelligence de Klaatu, et même ...
leur pouvoir de (faire) ressusciter !
Dimension chrétienne du message de l'œuvre : Gort (God) ressuscite Klaatu qui avait pris pour nom terrien... Carpenter ! "Charpentier", ça ne vous dit rien ? Joseph en était un ; et même si la Bible n'assure nulle part que son fils l'était également, la tradition voulait que les pères artisans transmissent leur savoir aux enfants mâles. D'ailleurs, dans l'évangile de Marc, les habitants de Nazareth croient Jésus tout naturellement travailleur du bois, comme son papa : « Celui-là n’est-il pas le charpentier ? »
Bref, une ... chose... surpuissante nommée Gort qui ressuscite un charpentier venu sauver les humains...
Voilà pour le contexte et l'esprit (saint) du film.
Pour ce qui est du traitement, malgré quelques défauts --- soldatesque stupide, scènes de panique en accéléré, "enlèvements" nunuches de la femme et de Klaatu, arrière des genoux du robot qui plie ! ... --- la mise en scène est alerte, soignée, et on se laisse aisément embarquer dans cette intrigue pourtant désuète.
Les spécialistes du cinéma de science fiction s'accordent d'ailleurs généralement à dire que Le Jour où la Terre s'arrêta constitue un jalon (et même un tournant) dans un genre qui n'avait rien produit de remarquable en 35 ans.
Mention spéciale à l'influence de la bande-son (signée Bernard Herrmann) sur l'estime récoltée par le film ; un musicologue va jusqu'à déplorer que sa réputation n'aille pas au-delà des historiens du cinéma SF. Selon Stephen Husarik (in Sounds of the Future : Essays on Music in Science Fiction Film, p.164), le monde de la musique électronique doit lui aussi beaucoup au compositeur américain (qui collaborera ensuite beaucoup avec Hitchcock).
Mention spéciale à Patricia Neal également, parce que c'est... Patricia Neal.